Questions des entrepreneurs chrétiens

Comment articuler vie familiale et vie professionnelle ?

Un nombre grandissant d’entrepreneurs prend conscience du fait que l’harmonie entre la vie privée et la vie professionnelle dépend du bonheur trouvé dans chacun de ces domaines, que l’on peut apprécier comme interdépendants. Cela fonctionne bien dans les deux sens : se sentir performant au travail, reconnu, bien à sa place, a une influence positive sur la personne dans sa vie familiale. Par ailleurs, le bien-être familial de leurs salariés a une influence positive sur leur « performance » au travail.

Sommaire

    Comme dirigeant, nous avons une responsabilité vis-à-vis des familles. La première est de fournir un travail de qualité et de donner un juste salaire. Le sens du travail et son utilité sociale, l’amour du travail bien fait, même humble, et sa reconnaissance sont des facteurs positifs de bonheur au travail qui rejaillissent sur la vie familiale.

    Mais nous pouvons aussi veiller à respecter les rythmes et les temps de repos nécessaires de nos collaborateurs pour que les familles se retrouvent, le matin ou le soir, le dimanche et pour les vacances, en particulier. Il s’agit entre autres des questions d’horaires flexibles, adaptés, de travail à distance, de travail à temps partiel, de multi-employeurs, de la prise en compte des engagements hors travail, de congés formation ou sabbatiques, de temps de repos, de pause, voire la question de retrouver le sens profond du shabbat.

    Donner la primauté à la « vie familiale », au sens large, implique que c’est aux responsables d’entreprises de trouver les adaptations de leurs organisations utiles et nécessaires, d’abord pour laisser aux salariés le temps et les possibilités exigées par la priorité consentie à la vie familiale, ensuite pour que leur travail ait du sens et rende les collaborateurs heureux dans leur travail.

    Naturellement, dans cette réflexion, une attention particulière doit être portée à ceux et celles qui ont en charge des enfants ou des parents âgés ou malades. La transmission de la vie, mais aussi de la culture par l’éducation, tout comme le respect des personnes tout au long de leur vie sont à valoriser, et non seulement à supporter tant bien que mal, dans les familles comme dans les entreprises et l’organisation du travail. Au lieu de devenir source de culpabilisation stérile, la prise en compte positive, pour les hommes comme pour les femmes, et le soutien concret, y compris dans l’entreprise (crèche, conciergerie…), des charges de chacun peuvent devenir source d’attachement et d’intégration dans la communauté plus large du travail. Beaucoup d’entreprises l’ont compris1. Les jeunes générations sont plus exigeantes sur ce plan. Elles souhaitent pouvoir profiter de ces appuis à tout moment de leur vie personnelle, qu’elles aient ou non des personnes à charge.

    Un nombre grandissant d’entrepreneurs prend conscience du fait que l’harmonie entre la vie privée et la vie professionnelle dépend du bonheur trouvé dans chacun de ces domaines, que l’on peut apprécier comme interdépendants. Cela fonctionne bien dans les deux sens : se sentir performant au travail, reconnu, bien à sa place, a une influence positive sur la personne dans sa vie familiale. Par ailleurs, le bien-être familial de leurs salariés a une influence positive sur leur « performance » au travail.

    Il est malheureusement vrai aussi que le manque d’harmonie est destructeur2 : La souffrance au travail comme dans la vie familiale enferme. La tentation d’établir une cloison le plus étanche possible entre les deux pose problème dans la durée, tant du point de vue familial que du point de vue professionnel.

    Dans les entreprises dites « sociales »3, d’inspiration chrétienne, c’était un devoir moral de contribuer autant que faire se peut au bien-être matériel, physique, moral, intellectuel et spirituel de son personnel. Ce fut le début de l’entrepreneuriat « social » dès le XIXe siècle (construction de logements, hôpitaux, crèches, jardins, croix bleue, fermes, écoles, etc, pour les employés). Il reposait sur l’idée que pour chaque personne le travail, comme la vie familiale, sont des sources et des lieux de construction d’une vie heureuse.

    Des entreprises ont pu mettre en place un care manager à cet effet. Sans interférer dans la vie personnelle des collaborateurs, cela permet de leur offrir un lieu d’écoute et des solutions concrètes aux difficultés rencontrées tant dans l’entreprise qu’à l’extérieur. D’autres plus simplement proposent des services de crèches ou de garderies afin de faciliter la vie des parents.

    Ainsi il n’y a pas lieu d’opposer travail et famille, mais de les conjuguer dans la vocation singulière qu’il revient à chaque homme ou femme libre et responsable de trouver pour soi-même. Fondamentalement, famille et travail sont en définitive des dons de Dieu, à recevoir comme tels, après avoir œuvré nous-mêmes pour contribuer à les faire advenir. Reconnaître que notre rôle est « relatif », même s’il est essentiel, nous fait entrer dans la perspective de la grâce, don gratuit de Dieu, et du salut auquel tout homme est appelé, malgré et peut-être surtout à travers les difficultés.

    Dans le Cahier des EDC publié sur La dignité de l’homme au coeur de l’entreprise, le rapport entre vie familiale et travail fait l’objet d’une partie spécifique (§ 3.1.3 Le travail et la vie familiale, pp.77 à 82).

    1. Cf. l’exemple de l’entreprise parisienne d’informatique Davidson, en forte croissance et confrontée à des tensions sur le recrutement et la fidélisation de ses collaborateurs, qui a acquis des logements pour les mettre à disposition de ses jeunes nouveaux embauchés, le temps qu’ils aient un historique de salaire suffisant pour trouver à louer dans de bonnes conditions. Elle a reçu un prix pour cette initiative.
    2. Simone Weil écrit en 1941 : « Le mal qu’il s’agit de guérir intéresse aussi toute la société. Nulle société ne peut être stable quand toute une catégorie de travailleurs travaille tous les jours, toute la journée, avec dégoût. Ce dégoût dans le travail altère chez les ouvriers toute la conception de la vie, toute la vie. (…) le morne épuisement du travail d’usine laisse un vide qui demande à être comblé et ne peut l’être que par des jouissances rapides et brutales, et la corruption qui en résulte est contagieuse pour toutes les classes de la société. La corrélation n’est pas évidente à première vue, mais pourtant il y a corrélation ; la famille ne sera (pas) véritablement respectée chez le peuple de ce pays tant qu’une partie de ce peuple travaillera continuellement avec dégoût. » dans Expérience de la vie d’usine, édition de l’Herne, page 76.
    3. Nous préférons le terme de « sociales » à celui, historiquement plus juste, de « paternalistes ». En effet, ce dernier a acquis une consonance négative, l’employé étant jugé volontairement infantilisé. Si la critique est en partie juste, il ne faut pas historiquement oublier que cette prise en charge des employés est née du souci des entrepreneurs que leurs collaborateurs soient « bien ». Notons au passage que ce modèle séduit toujours autant. Ainsi dans un modèle « social classique », Ferrero, qui est l’entreprise préférée des italiens.

      Dans un modèle plus moderne et parfois surprenant, nous avons les grandes entreprises de la High Tech. Pensons au siège de Google ou celui de Microsoft où tout est organisé pour que chacun travaille dans les meilleures conditions et à la proposition choquante faite aux employées performantes de prendre en charge la congélation des ovocytes pour ne pas être freinées dans leur carrière !

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