Eclairage de fond

Le chrétien doit éclairer la société

Publié le 31/01/2019

L’un des premiers apports des chrétiens, parce qu’ils ont reçu par la tradition des églises une vision de l’homme et du monde comme faisant partie du plan de salut de Dieu, est d’éclairer ses concitoyens sur les enjeux de l’humanité.

Notre époque est marquée, depuis plusieurs années, par des interrogations nouvelles, plus ouvertes qu’auparavant, sur le rôle des chrétiens dans la société. Cela tranche avec les décennies précédentes où l’ « enfouissement » était le maître-mot et l’engagement chrétien le plus souvent personnel ou privé, qu’il se traduise en implication sociale (collective ou politique) ou caritative (individuelle ou associative).

Cette « sécularisation » de l’action du chrétien dans le monde semblait inéluctable dans le contexte français jusqu’aux années 2010. A ce moment-là, l’Eglise elle-même par la voix de plusieurs évêques a eu le courage de rappeler le nécessaire respect dû à tout homme, face aux traitements brutaux d’évacuation de camps de Roms notamment. Elle a été écoutée plus qu’elle ne s’y attendait, ouvrant la voie à une présence des chrétiens plus visible et à une parole plus audible de leur part.

Reste maintenant à trouver le ton juste et la place que doivent tenir les chrétiens pour répondre aux attentes de la société « moderne ». Les temps modernes, comme le rappelle l’ouvrage de Romano Guardini La fin des temps modernes, récusent par définition toute référence à un absolu, à un Créateur, autant qu’à une anthropologie qui impose le respect de toute vie et qu’à une culture commune qui réunirait l’humanité en tant que telle.
Il s’agit donc aujourd’hui de sortir de cette impasse de la « modernité » et de retisser nos liens avec la Création, les autres hommes, et comme couronnement de tout cela avec Dieu.

Le chrétien doit éclairer la société

L’un des premiers apports des chrétiens, parce qu’ils ont reçu par la tradition des églises une vision de l’homme et du monde comme faisant partie du plan de salut de Dieu, est d’éclairer ses concitoyens sur les enjeux de l’humanité.
Ainsi, la compréhension de cette vision « stratégique » qui nous est donnée est une puissante lumière pour les hommes de tous les temps. Aujourd’hui plus encore, puisque le sens général de l’histoire semble perdu, d’aucuns parlant de « fin de l’histoire » ou de « chocs des civilisations » sans y trouver la finalité à laquelle se raccrocher.

Comme l’écrivait au IIème siècle l’auteur de la Lettre à Diognète, « c’est en vérité le Tout-Puissant lui-même, le Créateur de toutes choses, l’invisible, Dieu lui-même qui l’envoyant du haut des cieux, a établi chez les hommes la Vérité, le Verbe Saint et incompréhensible, et l’a affermi dans leurs cœurs ».1

Cet éclairage ne donne pas pour autant des pouvoirs supérieurs aux chrétiens, en effet, l’Esprit qui les éclaire est d’un autre ordre que celui du pouvoir temporel. Dans son ouvrage Brève apologie pour un moment catholique, Jean-Luc Marion rappelle la distinction des ordres selon Pascal : « l’ordre des corps, l’ordre des esprits et l’ordre de sainteté. ». Il souligne la hiérarchie entre eux : « aucun des ordres inférieurs ne peut voir un ordre supérieur, tandis que tout ordre supérieur voit et juge les ordres inférieurs ».2 Il explique ainsi que le rôle de l’Etat reste cantonné dans l’ordre inférieur, alors que les deux autres ordres lui échappent, même celui de l’esprit dont découlent l’éducation, la recherche, les arts, etc.

Bien plus, c’est dans celui de la charité3 que se jouent la communauté nationale. C’est celui-ci qui est invoqué dans les rares moments « où montent à la visibilité le cœur et l’esprit de la communauté nationale, où les dirigeants aveuglés savent deviner que « l’âme de la France » parle et avance. Alors et en effet il s’agit d’une « âme » quand la nation reprend sous son contrôle l’Etat, et que l’Etat ne la trahit plus, mais la prend en charge ».

Pour Jean-Luc Marion nous sommes dans un de ces moments qui appellent une tentative vraiment « catholique », au sens d’« universelle », donc chrétienne. En effet, les chrétiens parce qu’ils ont cette expérience et cette pratique de « la communion, pour soi et pour les autres » ont un rôle spécifique à jouer.4

La participation de tous les chrétiens est donc requise pour éclairer la société. Pour autant, comme le précise François Huguenin dans « Le Pari Chrétien », « la religion n’a pas tant à dire le bien et le mal à la société en termes normatifs… Benoît XVI l’a très clairement exposé dans son discours devant le Parlement britannique : la religion n’a pas à imposer ses normes, mais à éclairer le débat ».5 « Il assigne à la religion le rôle de « purifier » la raison et de donner un éclairage utile à la découverte de principes éthiques ».6

L’appel à la sagesse chrétienne lancé par le Président de la République invité par la Conférence des Évêques de France au Collège des Bernardins le 9 avril 2018 allait dans le même sens.

Source : Cahier des EDC Le principe de participation

  1. Lettre à Diognéte, §7.2
  2. Jean-Luc Marion, « Brève apologie pour un moment catholique », édition Grasset, p 79
  3. Pour Saint Thomas l’amitié politique est la forme la plus aboutie de la vie en société « La signification profonde de la communauté, civile et politique, ne ressort pas immédiatement de la liste des droits et des devoirs de la personne. Cette vie en société acquiert toute sa signification si elle est basée sur l’amitié civile et sur la fraternité » (Saint Thomas d’Aquin, Sententiae Octavi Libri Ethicorum, lect. 1, ed. Leon 47, 443) . Aristote écrivait dans le même sens : «La concorde, qui paraît bien être un sentiment voisin de l’amitié, est ce que recherchent avant tout les législateurs … et quand les hommes sont amis, il n’y a plus besoin de justice … La plus haute expression de la justice est, dans l’opinion générale, de la nature de l’amitié» (Ethique à Nicomaque, L8, ch2).
  4. Jean-Luc Marion, « Brève apologie pour un moment catholique », édition Grasset, p. 122-123
  5. François Huguenin, « le pari Chrétien » Ed. Tallandier, p. 44
  6. François Huguenin, « le pari Chrétien » Ed. Tallandier, p. 46