Le bien commun et la communauté dans la Doctrine sociale de l’Eglise et, plus largement, dans la Pensée sociale chrétienne.
Le premier acte de cette « Pensée Sociale Chrétienne » est l’Encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII en 1891, qui s’élève contre le socialisme qui pousse à « la haine jalouse des pauvres contre les riches », tout en prônant la justice des rémunérations et la liberté des travailleurs. Mais elle appelle déjà à porter le regard « encore plus haut », de façon à unir les deux classes « par les liens d’une véritable amitié ». Cette amitié est désintéressée au sens de la charité chrétienne, et porte à faire fructifier les talents de chacun généreusement, en respectant sa capacité à créer, inventer et participer à un effort collectif. Ce mouvement s’est épanoui à cette époque et s’est traduit concrètement en œuvres de charité, de lutte contre la misère, mais aussi par des initiatives de patrons chrétiens en Occident, à l’instar de Léon Harmel et Philibert Vrau.
Avec l’Encyclique Quadragesimo Anno pour le 40ème anniversaire de la précédente, le pape Pie XI fait apparaître clairement la notion de bien commun. Elle affirme surtout le lien profond entre la morale et l’économie, refusant de considérer que « l’ordre économique et l’ordre moral soient si éloignés l’un de l’autre, si étrangers l’un à l’autre, que le premier ne dépende en aucune manière du second ».
Bien commun : toute décision économique a une conséquence de caractère moral
On comprend pourquoi Benoît XVI s’est particulièrement attaché à reprendre cette pensée, argumentant que l’ordre rationnel de l’économie ne pouvait échapper à la morale des actes humains, étant d’ailleurs destiné à servir autrui, donc porteur de vertus en lui-même. L’éthique d’entreprise est donc fondée. « Ainsi toute décision économique a-t-elle une conséquence de caractère moral », ira jusqu’à écrire Benoît XVI dans Caritas in Veritate.
Dans Quadragesimo Anno (1931), les bases détaillées de la pensée sociale et économique chrétienne sont posées, par le droit et l’usage de la propriété des biens : l’entrepreneur est salué comme agissant de manière particulièrement appropriée, en permettant « de satisfaire aux besoins d’une honnête subsistance et d’élever les hommes à ce degré d’aisance et de culture, qui, pourvu qu’on en use sagement, ne met pas d’obstacle à la vertu, mais en facilite au contraire singulièrement l’exercice ».
De même, la place des corps intermédiaires et de la subsidiarité nécessaire est réaffirmée face à l’individu et surtout face à l’Etat qui revendique trop de charges et responsabilités, faute d’échelons intermédiaires…
L’encyclique introduit à nouveau un champ plus large, celui de la charité, seul lien spirituel qui permet d’aller au-delà du seul effacement des conflits sociaux.
« Une vraie collaboration de tous en vue du bien commun ne s’établira donc que lorsque tous auront l’intime conviction d’être les membres d’une grande famille et les enfants d’un même Père céleste, de ne former même dans le Christ qu’un seul corps dont ils sont réciproquement les membres (Rm 12, 5) en sorte que si l’un souffre, tous souffrent avec lui (1 Co 12, 26) ».
Le rôle du travail dans une même entreprise est compris comme l’occasion de mettre en œuvre ce lien spirituel, en se mettant au service les uns des autres avec bienveillance.