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La destination universelle des biens dans les textes des papes

23 janvier 2020 Repères chrétiens
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La destination universelle des biens dans les textes des papes

L’Eglise fut de tout temps particulièrement attentive à la pauvreté et au nécessaire partage. Cette attention se retrouve dans tous les grands textes.

Ainsi en 1891, Léon XIII écrivait dans Rerum novarum : « Les travailleurs isolés et sans défense se sont vus livrés à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d’une concurrence effrénée. (…) A tout cela, il faut ajouter la concentration entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce, devenus le partage d’un petit nombre de riches et d’opulents, qui imposent un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires ».1

Leon XIII ne se satisfait pas des seuls mécanismes du marché pour fixer les salaires. L’ensemble des besoins de la personne au travail, doivent être pris en compte par les employeurs : spirituels et psychologiques autant que matériels.

Tout en rappelant que la propriété privée est un droit inviolable et sacré, Rerum novarum affirme les principes complémentaires indispensables, à commencer par l’usage commun des biens de la terre. « L’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées mais pour communes ».2 Rerum novarum place la justice comme pierre d’angle de la solution.

Quarante ans plus tard, Pie XI dans Quadragesimo Anno clarifie les droits et les devoirs des propriétaires. Il borne le droit à la propriété par l’usage de l’excédent qui doit bénéficier aux autres. En particulier en investissant dans des activités productrices : « celui qui consacre les ressources plus larges dont il dispose à développer une industrie, source abondante de travail rémunérateur […] pratique d’une manière remarquable […] la vertu de magnificence ».3

 

En 1967, Paul VI dans Populorum progressio constate que « la question sociale est devenue mondiale ». Les problèmes identifiés par ses prédécesseurs dans les pays se sont étendus à l’échelle planétaire : « Les peuples de la faim interpellent aujourd’hui de façon dramatique les peuples de l’opulence. »4

 

Au début des années 1950 en réponse au scandale des écarts de richesse entre pauvres et riches émergea en Amérique du Sud une théologie s’appuyant sur une lecture marxiste de l’économie : la théologie de la libération. A Puebla en 1979, saint Jean-Paul II tout en critiquant fermement plusieurs aspects de cette théologie (Politisation et inspiration marxistes, conception réductrice du salut, ecclésiologie exclusive…) en a repris certains apports notamment « l’option préférentielle pour les pauvres ».

Plus récemment, Jean Paul II, Benoît XVI et le Pape François ont approfondi le principe de Destination universelle des biens5

Il reviendra à saint Jean Paul II d’introduire en tant que tel « le principe de la destination universelle des biens » et de l’inscrire en 1987 comme « un principe caractéristique de la Doctrine Sociale Chrétienne »6

En 1991, dans Centesimus annus saint Jean Paul II consacre la quatrième partie de son texte à la Destination Universelle des Biens et à la propriété. Il inscrit le travail dans la DUB et l’articule avec la propriété : « Travailler, c’est travailler avec les autres et travailler pour les autres »7

En 2009, Benoît XVI, dans Caritas et veritate partant du constat que la charité est « la voie maitresse de la doctrine sociale de l’Eglise »8 rappelle la nécessité du don et de la gratuité dans les échanges entre les hommes : « dans les relations marchandes le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale. »9

Avec Laudato si, François dans la continuité de Benoit XVI ouvre le principe de la Destination Universelle des Biens aux générations futures : « L’environnement se situe dans la logique de la réception. C’est un prêt que chaque génération reçoit et doit transmettre à la génération suivante ».10 Dans ce texte, le pape insiste également sur l’importance de la sobriété qui doit imprégner nos relations avec le monde et avec les autres. « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie mais tout le contraire (…) Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. »11

Dans son encyclique, François emploi l’expression de « destination commune des biens » à côté de celle de « destination universelle des biens » soulignant ainsi la nécessité d’une attention de tous les hommes à « notre maison commune ». Laudato si dénonce le gaspillage sous toutes ses formes et appelle à redéfinir « de nouveaux modèles de progrès »12 prenant en compte toutes les dimensions de l’homme.

Cet article est extrait du Cahier des EDC La destination universelle des biens

 
  1. Rerum novarum §2 
  2.  Rerum novarum §19 
  3.  Quadragesimo Anno §56 
  4.  Populorum progressioPopulorum progressio §3 
  5.  « La tradition chrétienne n’a jamais soutenu ce droit comme un droit absolu et intangible. Au contraire, elle l’a toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens de la création entière: le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l’usage commun, à la destination universelle des biens. » Laborem Exercens §14 
  6. Sollicitudo rei socialis §42 
  7.  Centesimus annus §31 
  8.  Caritas in veritate §1 
  9.  Caritas in veritate §36 
  10.  Conférence épiscopale portugaise, Lettre pastorale « Responsabilidade solidária pelo bem comum », 15 septembre 2003, cité dans Laudato si §159. 
  11.  Laudato si §223 
  12.  Laudato si §194. François précise : « Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. (…) Il s’agit simplement de redéfinir le progrès. Un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne peut pas être considéré comme un progrès. » 



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