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L’homme, premier pilier de l’entreprise

28 avril 2017 Paroles de dirigeants
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Jean-Bernard Bonduelle et le pasteur Christian Tanon ont échangé autour du bien commun en entreprise. Le processus d’élaboration de la vision du groupe Bonduelle à l’horizon de 2025 a été le point de départ de leur rencontre.

Christian Tanon : Les groupes qui font face à d’importantes mutations et qui veulent être pérennes doivent s’adapter. Mais tous les groupes qui engagent un travail de vision, comme ça été le cas chez Bonduelle, n’ont pas forcément le bien commun en tête. Ce qui est intéressant, c’est justement de savoir comment vous définissez cette notion de bien commun. Le fait d’avoir une vision ne garantit pas forcément qu’on améliore le bien commun.

 
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Pasteur Christian Tanon lors de l’Université

Jean-Bernard Bonduelle : Nous avons initié des processus desquels un équilibre est né. Nous avons d’abord voulu faire un travail très collaboratif. Rapidement sont remontées plusieurs idées. Notre objectif qui était d’« être le leader mondial de » a été remplacé par « être le référent mondial de », ce qui a entraîné un changement de posture. Il faut assumer la responsabilité d’être le référent, la fin ne justifie pas les moyens. C’est déjà une prise de conscience de la responsabilité qu’a l’entreprise, en particulier vis-à-vis des hommes qui sont le premier bien commun, en tout cas à mes yeux le plus important. Nous avons donc défini notre mission et nous nous sommes ensuite interrogés sur la façon d’atteindre cet objectif. Notre premier pilier a été de viser les hommes. Pour donner un exemple d’indicateurs concernant les hommes, notre premier objectif a tout simplement été : zéro accident du travail.

C.T.: La sécurité au travail est un bien commun, c’est évident. À condition que ça ne soit pas mis en œuvre d’une façon qui limite l’initiative et la liberté des personnes ou qui mette en place un système de « i- cage ». Tout peut être nuisible au bien commun si un projet est mal conduit, mais le principe du zéro accident est évidemment un bien commun, c’est d’ailleurs la base de la pyramide de Maslow. Si cette base-là n’est pas assurée, il est difficile de monter dans la pyramide.

Jean-Bernard Bonduelle

« La planète est un bien commun en tant que tel. »

J.-B.B.: Un autre pilier de notre vision est la protection de la planète et les engagements sociaux, au sens large du terme. Par exemple, nous contractualisons avec un peu plus de 3500 ou 4000 producteurs. Nous sommes extrêmement exigeants pour obtenir une bonne qualité de matière première : choix des semences, des parcelles, réduction des produits phytosanitaires, contrôle de l’eau, de l’irrigation… Nos conduites agronomiques sont exigeantes et nous effectuons des contrôles des progrès sur le long terme afin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Sur le volet industriel, il en va de même. Nous avons réduit de plus de 50% la consommation d’eau en l’espace de 10 ans. La planète est un bien commun en tant que tel.

C.T.: Elle appartient à tout le monde, c’est un des principes de la Pensée sociale chrétienne… J’ai une question à propos de la culture d’entreprise, un des déterminants du bien commun. Est-ce que le travail que vous avez engagé a fait bouger un peu les lignes sur ce plan ?

« Les sites industriels ne sont pas seuls au milieu de leur planète. »

J.-B.B. : Il y a notamment la prise de conscience collective que les sites industriels ne sont pas seuls au milieu de leur planète mais qu’ils ont une influence locale. Il s’est agi de demander collectivement ce que l’on pouvait conduire comme action locale pour montrer que la petite usine, la grosse usine, l’unité sociale représentée localement, a une action intelligente, au service de la société. Ainsi sont nées une série de micro-opérations, décidées par les collaborateurs. La direction de l’entreprise apporte un soutien si nécessaire à ces actions porteuses de sens qui font en sorte que l’entreprise permette aux collaborateurs de s’inscrire dans un projet. Un projet humanitaire est par exemple en train de se monter.

C.T.: On attribue souvent des valeurs fortes aux présidents d’entreprises familiales protestantes, valeurs qu’ils transmettent à leurs collaborateurs : la rigueur morale et l’intégrité, la modération dans les dépenses personnelles – c’est peut-être lié à l’austérité calviniste –, la discrétion (on n’affiche pas ce qu’on fait de bien, on ne parle pas trop dans les médias sauf si c’est vraiment nécessaire). Et puis l’exemplarité, le respect de la famille ou la prudence financière. Selon moi, ces valeurs contribuent au bien commun.

Sept valeurs pour une entreprise de plus de 160 ans d’âge

J.-B.B. : Ces valeurs que vous citez font écho aux sept valeurs affichées par le groupe Bonduelle : intégrité, équité, excellence, confiance, simplicité, souci de l’homme et ouverture. Notre entreprise a un peu plus de 160 ans d’âge et les générations se suivent avec un vrai souci de pérennité et d’indépendance, ce qui nécessite de la part des actionnaires et des dirigeants d’entreprise un certain niveau d’exigence.

C.T. : Si les actionnaires et les dirigeants ont les yeux rivés sur le court terme, il y a un risque d’essayer d’accroître par tous les moyens la valeur des actions. Le danger est de s’éloigner du bien commun.

J.-B.B. : Le groupe Bonduelle est coté en Bourse et nos actionnaires nous regardent bien sûr sur ce registre. C’est aussi un bon aiguillon. Quand on a la chance d’avoir un bon aiguillon et dans le même temps une volonté de vision de long terme, ce n’est pas une mauvaise chose du tout.

C.T. : Pouvez-vous dire que la vision que vous avez élaborée avec vos principaux cadres est partagée par l’ensemble des collaborateurs ?

J.-B.B.: Les premiers jours lorsque vous descendez dans les usines, il y a probablement des collaborateurs qui se disent : qu’est-ce qu’ils ont encore imaginé là-haut ? Mais je dois vous avouer que lorsque je regarde quelques indicateurs et quelques macro-indicateurs comme celui sur les accidents de travail, sur le nombre de sites qui ont effectivement pris des engagements sociétaux, lorsque je regarde ce qui se passe autour de l’innovation sur les outils collaboratifs qui ont été mis en place, et le nombre de personnes qui suivent des projets humanitaires ou d’autres projets, c’est plutôt le signe que ça continue à « percoler ».

« Il faut savoir prendre des risques et il faut faire fructifier les talents que Dieu nous a donnés »

C.T.: C’est en effet un bon indicateur. Des modèles « magiques » qui consistent à transformer une entreprise en quinze jours, je n’y crois pas. Des modèles qui consistent à transformer l’entreprise progressivement avec un bon niveau de percolation, ça fonctionne mais il faut entretenir le processus en permanence.
Il y a deux paraboles qui me parlent beaucoup dans la conversation que nous avons eue, l’une, c’est la parabole des talents. Il faut savoir prendre des risques et il faut faire fructifier les talents que Dieu nous a donnés. Il ne faut pas avoir peur de Dieu, il faut se lancer, savoir que Dieu peut nous aider.

Et puis Mathieu (25, 34-40): en particulier ce passage: « quand t’avons- nous vu avoir faim et t’avons-nous donné à manger ?… et le roi répondit : toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (voir Repères, p. 15). Ce qui est beau c’est que cette parabole-là dit que lorsque nous poursuivons le bien commun, que nous soyons chrétiens ou non, nous sommes bénis et justifiés aux yeux de Dieu.


Article extrait de la revue Dirigeants chrétiens n°82




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