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Émergence des solidarités dans la première alliance et rôle de la famille et de la tribu

19 février 2024 Eclairages spirituels
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Il est très intéressant de considérer comment la Bible parle des corps intermédiaires. Ce n’est pas principalement parce qu’il n’y a pas d’État au sens moderne du terme que les corps intermédiaires jouent un rôle important dans la Bible. Les raisons sont d’abord théologiques : la solidarité entre les hommes est à l’image de la solidarité entre Dieu et les personnes isolées ou fragiles.


Dans la Bible, il n’est pas facile de distinguer la tribu et la famille. En effet, la tribu se définissait, comme la famille, par rapport à un ancêtre commun. Mais quel que soit la façon dont on l’appelle, appartenir à une famille ou une tribu est une condition de survie. Sans tribu ni famille, aucune vie sociale n’aurait pu perdurer en Israël : le climat capricieux, les années de mauvaises récoltes, la menace des ennemis d’Israël auraient réduit à néant ce petit peuple. Les tribus ont tenu lieu d’assurance sociale pendant le retour d’Égypte, puis lors de l’installation en Canaan. Le chef de tribu avait une mission pédagogique pour enseigner les lois de Moïse mais aussi les rudiments de méthodes agraires pour que chaque famille puisse subsister et grandir. La Bible parle assez peu de ce rôle, mais elle y fait allusion en suspectant certaines méthodes agricoles de mélange avec les anciens cultes cananéens. (Ps 106,37-39). Le livre des juges insiste beaucoup sur les menaces provenant de Madiân.

 

La famille, dans l’Israël ancien, est fondée sur une justification primordiale que  l’on trouve dans le livre de la Genèse : « homme et femme il les créa » (Gn1, 27.). Après la création d’Adam, Dieu dit : « il n’est pas bon que l’homme soit seul» (Gn1, 18.) et créé Ève qu’Adam reconnaîtra comme « l’os de ses os et la chair de sa chair » et, « Tous les deux ne font plus qu’un » (Gn 2, 23-24.). Ce précepte rappelé par le Christ (Mt19, 4.) fonde le caractère sacré du mariage. Leur fécondité découle de cette union : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre ! » (Gn1, 28.).

 

Considérons maintenant la dimension sociale de la famille. Dans la Bible, elle joue un rôle éminent de corps intermédiaire en assurant la protection des plus fragiles.

 

Dans le Deutéronome, le droit de rachat (Lv 25.23-25.) empêche qu’une personne réduite à la pauvreté tombe dans la déchéance : si elle se vend comme esclave, elle doit être rachetée par son plus proche parent ; si elle vend ses terres, ses parents ont un droit de rachat sur les terres (Lv 25,24.)


La famille protège également les veuves particulièrement exposées dans le Moyen-Orient ancien. Lorsqu’elles n’ont pas d’enfant, leur condition est particulièrement précaire. Elles vivent d’aumônes (156 Cf. 1 R 17,12, note f de la TOB, p. 678. La veuve de Sarepta a un fils, mais celui-ci ne semble pas en âge de procurer des ressources à sa mère.) et du droit de glanage des produits champêtres (Dt 24,1920). La loi du lévirat dans le Deutéronome prévoit que si une femme devient veuve, le frère du défunt l’épousera : « Si des frères habitent ensemble et que l’un d’eux meure sans avoir de fils, la femme du défunt n’appartiendra pas à un étranger, en dehors de la famille ; son beau-frère ira vers elle, la prendra pour femme et fera à son égard son devoir de beau-frère » (Dt 25,5 : on connaît bien l’usage pernicieux de cette règle que font les Sadducéens de l’Évangile pour tendre un piège à Jésus.).


Les orphelins n’ont pas les moyens de se défendre eux-mêmes ; ils sont privés de la protection de leurs parents.


En cas de défaillance, c’est le chef du clan qui doit remplir ce rôle comme le rappelle aussi Isaïe (Isaïe déplore leur égoïsme et leur vénalité. Cf. Is 1,23). Il y a là une forme d’imitation de Dieu, le go’el (défenseur).

 

À plusieurs reprises, et de manière prophétique, Dieu est appelé le go’el du pauvre : « Ne déplace pas la borne antique, dans le champ des orphelins n’entre pas, car leur vengeur (go’el) est puissant, c’est lui qui épousera, contre toi, leur querelle » (Pr 23,1011.). Les pauvres sont vulnérables parce qu’ils n’ont pas de protecteur puissant ; entrer dans le champ des orphelins signifie en prendre possession. C’est négliger l’invitation de Dieu à respecter le droit des faibles (cf. Dt 24,17 ; 27,19). L’orphelin, comme la veuve (cf. Pr 15,25), sont des archétypes de pauvres et de défavorisés, dont l’ultime avocat est Dieu (Cf. Dt 10,17-18 : Le Seigneur est « le Dieu grand, puissant et redoutable (…) qui rend justice à l’orphelin et à la veuve. » Cf. R. Van Leeuwen, “The Book of Proverbs” in NIB, T. V (Nashville 1997), p. 205.). Celui-ci se fait le proche parent de ceux qui sont privés de protection et risquent de tomber dans la misère, la violence ou le crime.




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