Presse et communication digitale

Partager sur :

Le travail humain : définition et éléments de philosophie

18 juillet 2018 Repères chrétiens
Vue 412 fois

Le dictionnaire Larousse définit le travail comme « L’activité de l’homme appliquée à la production, à la création, à l’entretien de quelque chose ». Plus profondément, le travail humain, parce qu’il est réalisé par une personne capable d’inventer et de créer à l’image de Dieu, a une valeur spécifique.

Hannah Arendt dans son livre Condition de l’homme moderne[50.Hannah Arendt Condition de l’homme moderne, Calmann Levy, 1961.] transpose l’opposition antique entre le travail et le loisir en distinguant :
  • le travail destiné à dominer la nature pour survivre. L’activité imposée par le cycle biologique correspond à la racine latine labor (le labeur). Imposée, elle est une aliénation due aux exigences de la nature.
  • le travail créatif dépassant la nécessité, qu’Hannah Arendt appelle l’œuvre (opus). Activité où chacun choisit de réaliser les projets lui permettant de participer au progrès du monde et d’exprimer sa personnalité. L’œuvre survit et transcende l’existence individuelle.
Cette distinction met en évidence ce qu’est un travail de qualité. Cependant la vision Hannah Arendt reste pessimiste. Dans sa vision, le travail (Labor) est une contrainte aliénante. L’objectif de la société est donc d’augmenter la part de l’œuvre et de diminuer celle du travail (Labor) dans l’activité humaine.

Le rythme du travail à la chaîne empêche les ouvriers de voir leur activité comme un service pour les autres.

Simone Weil, ayant expérimenté le travail à la chaîne[51.Simone Weil racontera son expérience dans La condition ouvrière, Gallimard, 1951.], ne distingue pas le travail (Labor) et l’œuvre comme elle n’oppose pas la liberté créatrice et la nécessité imposée par la nature. De son expérience en usine, elle a tiré une vision très claire du travail à la chaîne. Un travail qui ne permet même pas d’espérer un progrès pour soi, a fortiori pour la société, du fait du caractère purement répétitif et « alimentaire » de cette activité. Le rythme empêche les ouvriers de voir leur activité comme un service pour les autres, ou mieux comme une louange adressée au Créateur, dont l’œuvre se poursuit à travers la main des hommes.

Les conditions d'un travail authentique : sens, production, relation aux autres

Pour Simone Weil, seule cette vision spirituelle permet d’échapper au désespoir qu’engendre la répétition d’une tâche à l’infini. Elle suggérait de lever les yeux vers le ciel pour reprendre contact avec le cosmos et par là avec la mission de co-création confiée à tout homme. Plus largement elle dégagera de son expérience les caractéristiques d’un travail authentique qui inspireront la suite de ce livret. Pierre-Yves Gomez, économiste, explique que la personne qui travaille vit une triple expérience[52.Lire le chapitre 13 du livre de Pierre-Yves Gomez, Le travail invisible, Edition François Bourin, 2013. Les trois dimensions du travail proposées par Pierre-Yves Gomez, peuvent être rapprochées de la première partie de Laborem Exercens et notamment des paragraphes 5,6 et 8 : §5 - Le travail au sens objectif : la technique. §6 - Le travail au sens subjectif : l’homme, sujet du travail. §8 - Solidarité des travailleurs.] : la première est subjective, c’est ce que vit la personne dans son travail et notamment son intention (Pourquoi), la seconde est objective car le travail aboutit à une production (Quoi), la troisième est collective car le travail conduit à être en relation avec d’autres (Avec/pour qui). Ces trois dimensions, toutes nécessaires, donnent toute sa réalité et son sens au travail humain. Elles fournissent une bonne grille d’analyse du travail : La dimension subjective prend en compte ce que la personne peut mettre d’elle-même dans son travail. Quel sens lui donne-t-elle ? Quelle est son intention ? Chaque personne vit cette dimension au travers de la reconnaissance qu’il reçoit. La dimension objective. C’est le résultat concret du travail qui en donne la mesure. Ce que produit une personne peut être comparé à ce qu’en fait une autre. Sa réalité est celle de la performance. La dimension collective. Le travail parce qu’il demande de la coopération et qu’il produit pour des clients place chaque personne au centre de relations diverses. Cette dimension se mesure dans la solidarité.

L'essentiel du temps de travail échappe au marché

Comme le fait remarquer Pierre-Yves Gomez, le travail d’une personne ne se limite pas à son activité salariée[53.En France 24 millions, dont 60% d’employés/ouvriers. 50% travaillent dans des entreprises de moins de 250 personnes. 1/3 dans des entreprises de plus de 5 000 personnes.] ou rémunérée[54.Un temps de travail de 35 heures pendant 40 ans représente 12% du temps de vie d’une personne. Pierre-Yves Gomez fait remarquer dans son livre Le travail invisible que lorsque l’on constate l’agitation fébrile de nos contemporains, il n’est pas du tout sûr qu’ils travaillent moins que toutes les générations qui les ont précédés.] En effet, l’essentiel du temps de travail échappe au marché parce qu’il est réalisé gratuitement : le travail domestique (repas, bricolage, jardin, éducation, administratif, soins aux malades), les activités sociales (le bénévolat représente l’équivalent d’un million d’emplois à plein temps en France), les échanges dans des communautés virtuelles (Wikipédia...), mais aussi toute la part de tâches réalisées par le client sans laquelle l’économie ne fonctionnerait pas (remplir son caddie, scanner, se servir à la pompe, acheter un billet de train, remplir sur le net les formulaires de l’administration, etc.). Source : Cahier La dignité de l'homme au coeur de l'entreprise



J'aime

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.