Collaborateurs à l’image de Dieu : quel management ?
L’infinie dignité de tout homme, créé à l’image de Dieu, est un appel à la conversion du chef d’entreprise dans ses rapports avec les autres et son mode de management. Elle demande à chacun de changer de regard sur l’autre, dans quelle que relation que ce soit, et donc son comportement dans l’entreprise. Donner un travail de qualité et donner du sens au travail de chacun est plus respectueux de sa dignité. C’est aussi plus efficace.
Manager avec dignité : nous convertir dans nos rapports aux autres et porter un regard bienveillant sur chacun
Changer son regard sur les autres, c’est demander au Christ qu’il nous aide à regarder les autres comme lui les regarde. C’est porter sur chacun de nos prochains un regard de vérité : regarder l’homme pour ce qu’il est en devenir, c’est-à-dire une transfiguration, et non pour ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire la seule manifestation de ses erreurs, de ses faiblesses ou de ses handicaps.
Si certains portent naturellement sur les autres un regard juste et bienveillant, d’autres ont besoin de travailler sur eux-mêmes pour développer cette posture dans un vrai processus de conversion. Comme le montre Jacques Lecomte dans son livre Les entreprises humanistes1, regarder chacun avec bienveillance est non seulement une question de justice, voire de charité, mais c’est aussi une question d’efficacité.
En effet, plus on attend le meilleur de soi et des autres, plus ce meilleur a des chances de s’exprimer. Les études convergent pour montrer que la motivation des collaborateurs est liée à la considération que leur porte leur manager et à la reconnaissance sincère qu’il leur exprime.
Donner un travail de qualité
Le travail des hommes porte de grands enjeux. Le pape François, nous rappelle que « Sur la terre, il y a peu de joies plus grandes que celles dont on fait l’expérience en travaillant, comme il y a peu de douleurs plus grandes que les douleurs du travail, quand le travail exploite, écrase, humilie, tue ».2
Donner du sens au travail
Le premier enjeu du travail est de lui donner du sens. Simone Weil a bien mis en lumière la manière dont le travail pouvait être tantôt libérateur, tantôt asservissant : il s’agit des conditions par lesquelles l’homme au travail est en mesure de saisir la finalité de son œuvre. Pour Simone Weil, il importe véritablement que « Non seulement l’homme sache ce qu’il fait, mais si possible qu’il en perçoive l’usage, qu’il perçoive la nature modifiée par lui. Que pour chacun son propre travail soit un objet de contemplation »3
Le sens du travail regroupe plusieurs dimensions :
- L’utilité de l’œuvre ou du service réalisé.
- La possibilité de mettre de soi dans son travail. C’est cette si belle exigence rappelée par Simone Weil de « pouvoir se contempler dans son travail ». Ce sentiment d’une forme de propriété de son travail passe par la possibilité de s’organiser et de pouvoir prendre des initiatives.
Pousser la réflexion sur cette voie fait toucher l’idée de vocation. Permettre à chacun de trouver et d’accomplir ce à quoi il est appelé est une piste à ne pas écarter.
- L’émotion et la satisfaction que chacun peut trouver en réalisant son travail. Avoir le sentiment d’avoir « bien fait » son travail donne une forme d’accomplissement.
A l’inverse, le manque de sens comme le sentiment d’être inutile ou le constat que ses capacités sont inutilisées est parmi les causes les plus fortes de souffrance au travail. Celui qui ne sait pas pour quoi ni pour qui il travaille ne peut aimer ce qu’il fait !
La souffrance au travail causée par la diminution de la capacité d’agir
On peut penser, avec Paul Ricœur, que la souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique ou mentale, mais par la « diminution, voire la destruction de la capacité d’agir, du pouvoir-faire, ressentie comme atteinte à l’intégrité de soi (…) ». La souffrance est pour Ricœur une impuissance à dire, à faire, à raconter et à s’estimer.
Source : Cahier des EDC La dignité de l’homme au coeur de l’entreprise
- Edition les Arènes, 2016. ↵
- Pape François, rencontre avec le monde du travail, visite pastorale à Gênes du samedi 27 mai 2017 – Etablissement de l’Ilva. ↵
- Simone Weil dans Journal d’usine (Gallimard – Œuvres complètes Tome 2 p171) cité par Emmanuel Gabelliéri dans Penser le travail avec Simone Weil page 60, édition nouvelle cité. ↵
Eclairages de fond
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Diriger, c’est donner du sens au travail de chacun
Le premier enjeu du travail est de lui donner du sens. Simone Weil a bien mis en lumière la manière dont le travail pouvait être tantôt libérateur, tantôt asservissant…
- Le travail est au coeur de la dignité de la personne
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Le travail est au coeur de la dignité de la personne
L’être humain travaille à la fois pour se nourrir, lui et sa famille, pour se socialiser, pour se réaliser et pour transformer le monde. Cette dernière motivation peut être en fait la première, spontanée, même chez les enfants. En quoi le travail est-il donc un facteur de croissance de sa dignité ?
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Le travail humain : définition et éléments de philosophie
Le travail humain, parce qu’il est réalisé par une personne capable d’inventer et de créer à l’image de Dieu, a une valeur spécifique.
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Diriger, c’est créer les conditions pour que chacun trouve des sources de motivation
Le développement de la motivation n’est pas possible sans un management de qualité qui donne à chacun l’occasion de s’engager et de se développer, entraîne, accompagne et reconnaît.
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Points de Repères : le sens du travail
L’avant-projet de loi sur la réforme du droit du travail a suscité des réactions de rejet des organisations syndicales, d’une part, des étudiants, d’autre part. Devant cette levée de boucliers, le Gouvernement a modifié plusieurs dispositions du projet, notamment celles relatives aux licenciements, et annoncé des sur-cotisations sur les CDD pour renforcer la protection des salariés. (…)
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Réflexion sur les nouvelles formes de travail
N’oublions pas que le modèle du salariat est relativement récent et ne couvre pas toutes les formes de travail. Sans parler du « travail invisible » selon la formule de Pierre-Yves Gomez1, il se développe […]
Eclairages spirituels
- « Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis. »
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« Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis. » (Psaume 139)
Ni narcissisme, ni complaisance, ni futilité dans ce psaume mais une affirmation vraie de la dignité de la créature lorsqu’elle est face à Dieu : « Je reconnais devant toi le prodige. »
- La parabole des talents : le travail comme chemin d'accomplissement
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La parabole des talents : Le travail comme chemin de service et d’accomplissement (Mt 25)
Le maître attend que ses serviteurs s’ouvrent au monde, utilisent leurs compétences, au risque bien sûr du faux pas et de l’échec, qu’ils mettent en jeu ce qu’ils ont pour porter du fruit.
- Bible : L'homme a été créé à l'image de Dieu
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L’homme à l’image de Dieu (Genèse 1)
Dans ce premier récit de la création, chaque jour, Dieu parle, fait exister les choses et les êtres puis prend le temps de contempler son œuvre « Dieu vit que cela était bon ». Il […]
- Le travail de l'homme : une bénédiction
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Le travail de l’homme : une bénédiction (Genèse 1)
Le travail de l’homme est une bénédiction. Le verset 28 combine cinq verbes à l’impératif : « Fructifiez et multipliez et remplissez la terre et soumettez-la ! Dominez sur… » Cette suite de commandement va être, dans l’histoire sainte, l’archétype des bénédictions. C’est ainsi que seront bénis Abraham et Jacob.
- Les Béatitudes : la vocation de fils de Dieu
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Les Béatitudes : la vocation de fils de Dieu (Matt 5)
Béatitudes : L’Évangile fait exploser le cadre trop étroit des conventions sociales pour faire émerger le portrait d’une humanité nouvelle, heureuse et rachetée.
Reportage chez un torréfacteur breton
Rencontre avec Franck Delalande, membre de l’équipe EDC Saint-Brieuc-Sainte-Thérèse et directeur général de Lobodis. Cette entreprise de torréfaction de café bretonne est l’une des premières à avoir misé sur le commerce équitable avec les petits producteurs, mais également sur les travailleurs en situation de handicap.
Questions à se poser seul ou en équipe
- Naturellement, quel est mon regard sur les autres ? Sur ce qu’ils font ? Positif ? Négatif ?
- A quoi suis-je particulièrement attentif ?
- Ai-je le même regard sur mes collaborateurs ? mes clients ? mes fournisseurs ? mes banquiers ? mes actionnaires ? mes administrateurs ?
- Comment parlons-nous du travail de nos collaborateurs ?
- Donnons-nous la parole à nos collaborateurs sur la façon dont ils vivent leur travail ?
- Comment développons-nous le sens du travail ? Quelle image donnons-nous du travail ?
- L’organisation que nous mettons en place permet-elle de développer un travail de qualité ?
- Que pouvons-nous faire pour améliorer ? L’éducation au sens du travail : quelle image donnons-nous du travail ?
- Comment vois-je la motivation de mes collaborateurs ? Comment est-ce que j’aborde le sujet avec les managers ? Y-a-t-il des liens entre le système d’évaluation et/ou de rémunération des collaborateurs et la motivation ?