Comment changer mon cœur pour mieux contribuer à la destination universelle des biens ?
La réponse proposée à cette question est un itinéraire personnel dans lequel nous sommes invités à développer la conscience de tout ce que nous avons reçu et recevons encore et à nous interroger sur la façon dont nous donnons et recevons.
Comme dirigeant chrétien, je suis invité à reconnaître ce que j’ai reçu et à remercier
Emerveillons-nous de tout ce que nous avons reçu
Le pape François dans Laudato Si nous invite à faire l’examen de nos relations aux biens pour les convertir en action de grâce. En effet, si nous existons, c’est d’abord parce que nous avons reçu la vie de nos parents et de Dieu, qui nous maintient dans l’être. Et depuis notre naissance, nous avons beaucoup reçu, quelles que puissent être nos souffrances éventuelles et les lacunes que nous pouvons ressentir.
Si nous sommes aujourd’hui entrepreneurs ou dirigeants, c’est aussi grâce à notre famille, notre éducation, les professeurs, les exemples dont nous avons bénéficié et qui ont fait grandir nos capacités et nos compétences.
Nos biens matériels ne sortent pas non plus de nulle part. Ou on nous les a donnés, ou nous les avons acquis grâce aux moyens auxquels nous avons pu avoir accès. Des portes nous ont été ouvertes, des aides matérielles nous ont été apportées, des conseils et des soutiens nous ont encouragés, des collaborations se sont nouées, etc. Nous avons ainsi pu développer nos richesses, avec des hauts et des bas éventuellement, aussi bien matériellement que spirituellement.
Rendons grâce pour tout ce qui nous a été donné
« La gratitude est le secret de la vie. L’essentiel est de remercier pour tout. Celui qui a appris cela sait ce que vivre signifie. Il a pénétré le profond mystère de la vie ».
Une multitude d’acteurs a contribué à nous transmettre les biens dont nous bénéficions aujourd’hui. Dieu le Créateur, toujours en action auprès de nous, nos parents, nos frères et sœurs, nos amis, professeurs, prêtres et religieux, collègues, supérieurs hiérarchiques, collaborateurs… Certains sont vivants, d’autres nous ont précédés… Quelques-uns sont proches et faciles à identifier, d’autres nous sont inconnus, lointains ou oubliés. Parfois nous n’avons même pas pris conscience de leur existence.
Tous ces dons, souvent gratuits, n’étaient pas des dus. Alors, comment ne pas être sensible à toutes ces personnes qui y ont contribué ? Comment ne pas être reconnaissant à l’égard de chacun d’eux ? Ceux que nous avons croisés comme ceux qui nous ont précédés, qui nous ont quittés ou que nous n’avons pas connus.
Recevoir et donner : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. »
La parole du Christ nous demande de nous inscrire dans ce grand mouvement de la destination universelle des biens et à être « les instruments de l’amour de Dieu ». En nous demandant cela, le Christ nous indique en même temps comment être heureux. En effet, Il y a toujours plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Savoir recevoir : recevoir peut être le plus beau cadeau que l’on fait à une personne.
Recevoir n’est pas toujours s simple, car cela crée le sentiment de devoir quelque chose à quelqu’un et l’obligation de reconnaître que nous en sommes dépendants . Il y faut de l’humilité. Nos remerciements n’effacent pas cette dette, surtout si nous ne pouvons pas rendre la pareille.
C’est pour cela que, pour bien donner, il faut d’abord savoir recevoir : reconnaître que ce que nous recevons est un don et non pas un dû, rendre grâce de cette générosité et accepter notre dépendance. Ainsi nous pourrons avoir la même délicatesse, celle de ne pas « obliger » à un retour, même pas à un remerciement si celui-ci n’arrive pas, lorsque nous donnerons.
Prendre soin de ce que nous avons
Tous les biens dont nous disposons ont une origine et une destination qui nous dépassent. En prendre conscience permet d’adopter une juste attitude.
Faire fructifier ce que nous avons reçu
Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance et lui a confié l’univers. Mais nous n’en sommes que des hôtes temporaires et non des propriétaires absolus. Notre rôle est de faire fructifier cet héritage. Co-créateurs, nous sommes invités à poursuivre l’œuvre de Dieu et à servir nos frères.
Être sobre
Faire fructifier ce que nous avons reçu n’est pas une course à plus de consommation. Le pape François dans Laudato si nous enseigne : « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie mais tout le contraire ; car, en réalité ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment, sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas, et qui font l’expérience de ce qu’est valoriser chaque personne et chaque chose, en apprenant à entrer en contact et en sachant jouir des choses les plus simples (…) Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. »
Prendre soin de notre âme
Ce que nous avons reçu de plus précieux n’est pas dans nos richesses matérielles. Notre conversion passe par une attention à tout ce que nous avons et qui n’est pas du domaine du mesurable, pour le cultiver également et le faire fructifier au profit de ceux qui en ont besoin. Or pour pouvoir bien donner, il est nécessaire de prendre soin de soi physiquement, psychologiquement et spirituellement, prendre soin de notre âme qui unifie tout notre être. Pour bien comprendre cela, saint Bernard reprend l’image bien connue de la vasque et du canal.
« Apprends, toi aussi, à ne te répandre que lorsque tu es rempli : ne prétends pas être plus généreux que Dieu. Que la vasque imite la source : celle-ci ne s’écoule pas en un ruisseau, ni ne s’étale en un lac, avant d’être elle-même saturée. Il n’y a aucune honte pour la vasque à ne pas être plus prodigue que la source. […] ‘Toi aussi fais de même’ (Lc 10, 37). Laisse-toi d’abord remplir, aie soin ensuite de te répandre. […] Si tu le peux, aide moi de ton surplus ; sinon, ménage-toi toi-même ».
Partager nos biens
L’évangile nous appelle au partage. Comment répondre à cet appel ? Commençons par constater qu’au quotidien, nous nous inscrivons déjà dans la destination universelle des biens. Prenons donc le temps de repérer :
• Ce que nous avons et que nous donnons à ceux qui n’ont pas,
• Ce que nous savons et que nous apprenons à ceux qui ne savent pas,
• Ce que nous pouvons et qui peut nous permettre d’aider ceux qui ne peuvent pas tout seuls,
• Ce que nous avons l’opportunité de faire et auquel nous pouvons donner accès à ceux qui n’ont pas les mêmes possibilités.
Faire « un pas de plus »
Dieu nous appelle tous à faire de grandes choses, à être « magnanimes ». Mais ne cherchons pas l’exploit et à sauter par-dessus les montagnes. Cherchons tout simplement à faire « un pas de plus ». Pour nous y aider nous pouvons faire nôtre cette prière de Madeleine Delbrêl :
« Chaque petite action est un événement immense où le Paradis nous est donné, où nous pouvons donner le paradis. Qu’importe ce que nous avons à faire : un balai ou un stylo à tenir ; parler ou se taire ; raccommoder ou faire une conférence ; soigner un malade ou taper à la machine.
Tout cela n’est que l’écorce d’une réalité splendide, la rencontre de l’âme avec Dieu, à chaque minute renouvelée, à chaque minute accrue en grâce, toujours plus belle pour son Dieu.
On sonne ? Vite, allons ouvrir : c’est Dieu qui vient nous aimer. Un renseignement ? Le voici : c’est Dieu qui vient nous aimer. C’est l’heure de se mettre à table… Allons-y ! C’est Dieu qui vient nous aimer.
Laissons-le faire ! Ainsi soit-il. »
Ce texte est extrait du Cahier des EDC Le principe de destination universelle des biens. (à paraître en mars 2020)
Eclairages de fond
- S'émerveiller et rendre grâce de tout ce que nous avons reçu
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S’émerveiller et rendre grâce de tout ce que nous avons reçu
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- La propriété privée doit être au service de la Destination universelle des biens
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La propriété privée doit être au service de la Destination Universelle des Biens
Il est tentant d’opposer le principe de la destination universelle des biens et la propriété privée. En effet, pour que chacun bénéficie des tout ce dont il a besoin, ne serait-il pas préférable que les […]
- La Terre est à tous et les biens doivent affluer entre les mains de tous
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La terre est à tous et les biens doivent affluer entre les mains de tous
Le principe de la destination universelle des biens peut s’énoncer ainsi : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité ».
Eclairages spirituels
- Eviter les artifices
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Le billet du conseiller spirituel national : Eviter les artifices
A toutes les références qui précèdent, que puis-je ajouter si ce n’est une simple image ? Elle sera imparfaite mais peut-être évocatrice. De retour du pèlerinage au Liban, avec les membres du bureau national, un exemple s’impose à mon esprit pour évoquer le bien commun et comprendre comment le « cultiver ».
- Peut-on gagner sa vie sans perdre son âme ?
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Peut-on gagner sa vie sans perdre son âme ?
Destination universelle des biens & bien commun : Pierre Coulange souligne combien la Parole de Dieu, en particulier l’Evangile de saint Luc, invite au discernement des vraies richesses.
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Le billet du conseiller spirituel national : Des usufruitiers actifs
Des usufruitiers actifs Dieu nous a donné en héritage la création où il nous a confié un rôle particulier. C’est pourquoi il convient de « reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres de la […]
- Donner toute sa place au don dans notre vie
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Donner toute sa place au don dans notre vie
Si la Destination Universelle des Biens est d’abord une question de justice, elle ne saurait être mise en œuvre sans la charité.
En effet, la charité « est une force extraordinaire qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix »
Reportages à Ecodair (article et vidéo)
A la tête d’Écodair depuis 2005, Hervé Baulme conduit un projet innovant : participer à l’insertion de personnes handicapées psychiques dans le monde du travail et accompagner des salariés vers l’emploi par l’activité économique, tout en étant pleinement inséré dans l’économie de marché.
Voir l’intégralité du reportage de 2018 paru dans la revue Dirigeants chrétiens
Ci-dessous, un reportage KTO de 2018.
Questions pour un inventaire personnel :
• Je fais le bilan de tous mes biens et de toutes mes richesses. Quel est mon patrimoine matériel ? quelles sont mes richesses culturelles relationnelles ? … Tout ce qui m’a permis d’être ce que je suis, depuis ma naissance ?
• Quels sont les biens que je possède et qui me permettent d’avoir une vie familiale, amicale, professionnelle, associative : biens de première nécessité : maison(s), mobilier, voiture, vêtement… ; biens culturels : compétence, savoir… ; biens relationnels : famille, amis, collègues, réseau… ; bien spirituels : Foi, vie religieuse… ; environnement : nature…
• Auxquels de ces biens suis-je particulièrement sensible ? Pourquoi ?
• Quels sont les biens que je prends le temps de savourer ? De contempler ? Y-a-t-il des biens pour lesquels je pourrais passer « de la consommation à la contemplation » ?
• Identifiez pour chacun de ces biens la ou les personnes qui par leur existence ou par leurs actions vous ont fait grandir ? Comment ? Y-a-t-il parmi eux une personne qui m’a particulièrement marqué ? Y-a-t-il aujourd’hui des personnes qui sont de vrais dons pour moi ?
• Quels remerciements est-ce que je sais adresser ? Qui ai-je remercié aujourd’hui ? Hier ? Comment est-ce que je remercie ?
Questions sur notre façon de recevoir et de donner :
• Quelle place et quelle reconnaissance est-ce que je donne à tous ceux qui me donnent, jusqu’aux plus fragiles/plus pauvres : qu’est-ce que leur demande ? Que leur donné-je en retour ? Quels sont mes modes de consommation personnels et familiaux ? Quelle est ma sensibilité personnelle à ces sujets ? Quelle place est-ce que je donne à la sobriété dans mon style de vie ? Quelle expérience en ai-je ? Quelles difficultés est-ce que j’éprouve à cet égard ?
• Qu’est-ce que je donne et à qui ? En bien matériels ? En temps ? En savoir ? En qualité relationnelle ? En écoute ? Si je n’étais pas là, qu’est-ce qui leur manquerait ?
• Quel partage est-ce que je mets en œuvre et avec qui ? Dans quel but ?