Questions des entrepreneurs chrétiens

Comment orienter l’activité de mon entreprise vers le bien commun ?

Du fait de sa nature sociale mettant en relation des hommes et des femmes, il est naturel que chaque entreprise soit appelée à contribuer au bien commun. C’est-à-dire à construire une société « bonne ». « Bonne » signifie que chacune des personnes qui composent la société puisse s’épanouir et contribuer à la vie commune… en un mot, tendre vers sa perfection.
Cette participation de chaque entreprise à la vie sociale est à deux niveaux. Le premier est celui de la société. Le second est celui de l’entreprise elle-même.

Sommaire

    La contribution de l’entreprise au bien commun de la société

    • La contribution la plus immédiate de l’entreprise au bien commun de la société est de fournir des produits et des services à ses clients1. Ce service aux personnes et aux communautés d’une société est au cœur de la raison d’être de l’entreprise et lui donne sa finalité. Ainsi, une entreprise de transport permet à des personnes de se déplacer et de rencontrer leurs semblables, une pharmacie met à disposition des médicaments qui permettront à des malades de se soigner, un artisan maçon construit les murs de maison qui protègeront des intempéries des familles… Chacune d’elles contribue à la vie d’hommes et de femmes en leur permettant de bien vivre.

    Quelle que soit l’entreprise, ce qu’elle produit a une dimension morale. Il importe donc que ce qu’elle propose et les conditions dans lesquelles elle le fait (qualité, prix, accès) contribuent vraiment au bien commun de la société et de chacun des clients qu’elle sert. Si ce n’est pas le cas et, il s’agit bien là d’un jugement moral, l’entreprise doit revoir fondamentalement son objet social et ses projets !2

    Distribuer des salaires et partager les excédents économiques avec l’ensemble des parties prenantes.

    • L’entreprise contribue également au bien commun en distribuant des salaires qui font vivre des familles et plus largement en partageant ses excédents économiques avec l’ensemble des parties prenantes.3 Les impôts versés à l’Etat lui donnent les moyens de jouer son rôle, les dividendes versés aux fonds de pensions font que des retraités ont les moyens de vivre…  Les exemples où l’activité d’une entreprise permet à un secteur d’activité, une région, une ville ou un pays de vivre et de se développer sont nombreux.4 La Pensée Sociale Chrétienne met ainsi en évidence la « reconnaissance de la fonction sociale du privé »5, telle que décrite ici.

    L’entreprise appelée à jouer un rôle dans la vie de la société

    • Au-delà des échanges économiques, l’entreprise est également appelée à jouer un rôle dans la vie de la société. En restant proche de sa raison d’être, elle peut contribuer à la vie des différents corps intermédiaires qui animent la vie économique de sa profession. Influencer le cadre institutionnel lorsque celui-ci fait défaut. Participer à la formation des futurs professionnels….

    Au-delà de sa raison d’être, elle peut aussi apporter de l’appui à la collectivité. L’aide peut être financière comme dans le sponsoring, mais aussi en nature par du conseil ou la mise à disposition de ressources ou plus simplement en facilitant la contribution collaborateurs dédiés ou volontaires. L’engagement du chef d’entreprise dans une dimension collective gagne à être explicité, et celui des collaborateurs qui suivent cet exemple valorisé, ce qui est rarement le cas dans les systèmes d’évaluation individuelle ou d’équipe.

    • Plus largement, l’existence d’une entreprise est facteur de développement et de stabilité pour une société. Les capacités que les collaborateurs développent en son sein préparent à l’exercice de responsabilités dans d’autres cadres. Les liens qu’elle tisse avec d’autres entreprises ou avec des institutions sont facteurs de paix et de richesse… L’entreprise a un impact social souvent plus important qu’elle ne l’imagine.

    Le bien commun de l’entreprise elle-même

    Chaque entreprise, comme toute communauté a un bien commun propre6. Celui-ci se développe autour d’un projet partagé, associant les collaborateurs et toutes les parties prenantes. L’entreprise doit aussi veiller à assurer du mieux possible les conditions de réalisation de la perfection de chacun de ses membres. En effet, chacun doit pouvoir contribuer, « participer » à sa construction et en même temps profiter de celui-ci pour s’épanouir et donner toute la mesure de ses talents.

    Pour développer le bien commun, le chef d’entreprise pourra mettre en œuvre des moyens adaptés au contexte. Ainsi :

    • réunir l’ensemble des collaborateurs autour d’un projet qui fait sens parce qu’il sert le bien commun ;
    • mettre en place la subsidiarité en veillant à l’adéquation entre responsabilités confiées, pouvoirs de décisions et moyens ou compétences7;
    • faire appel à l’inventivité et à la liberté de chaque salarié ou partenaire et veiller au développement 8 intégral de chacun ;
    • offrir des conditions de travail enrichissantes et facilitant les relations, la qualité des relations dans l’entreprise 9 et autour de l’entreprise étant souvent la clé d’une convergence des efforts…

    L’entreprise ne peut bien servir le bien commun de la société que si son propre bien commun est préservé.

    Ces deux niveaux de bien commun sont complémentaires et liés. L’entreprise ne peut bien servir le bien commun de la société que si son propre bien commun est préservé. Il peut exister des tensions entre ces deux niveaux mais le bien commun progressera d’autant mieux que l’un et l’autre grandiront ensemble.

    Il est nécessaire d’aborder ici la place de l’argent. En effet, l’idée que l’argent est la finalité de l’entreprise est solidement ancrée. Trop souvent, à la question « quelle est la finalité de l’entreprise » la réponse est « faire de l’argent ». Sans aller au fond du sujet et sans ignorer que de nombreuses entreprises se pensent et s’organisent autour de cette seule finalité, remarquons que :

    • Faire de la marge est une nécessité et un devoir.10 En effet, l’argent est aussi nécessaire à la vie de l’entreprise que le sang à la vie d’une personne. Sans équilibre financier, la pérennité de l’entreprise est en risque et, sans marge, son développement est compromis.
    • Prendre un moyen pour la finalité et confondre une nécessité avec la raison d’être ne peuvent que déboucher sur des difficultés. Faire de l’argent la finalité de l’entreprise met en danger la notion même de bien commun. Quel peut être le bien dans une société dont la mesure est la seule valeur économique ? Comment réussir à développer durablement l’engagement de tous collaborateurs sur un tel objectif ? Comment ne pas déboucher sur l’instrumentalisation des personnes ? 11?

    1. Certains secteurs économiques utiliseront des termes différents à celui de client : Usagers, patients, hôtes, consommateurs… si le choix de tel ou tel terme donne une indication profonde sur la nature de la relation entre l’entreprise et les personnes qu’elle sert, la façon de servir le bien commun est semblable.
    2. Le bien prime sur l’efficacité ! La production de certaines entreprises particulièrement rentable est à l’évidence contraire au bien commun. Ainsi l’industrie pornographique, ou les sites de rencontres tels Gleeden… Ces exemples évidents montrent bien que l’efficacité économique ne justifie pas tout. Cependant la question du bien et de sa priorité sur l’efficacité mérite d’être posée pour tous les secteurs et dans toutes les entreprises. Le débat provoqué et les réponses construites ensemble seront source de cohésion et de progrès pour les équipes.
    3. La RSE est une façon de poser le problème en prenant en compte l’ensemble des parties ; elle permet de sortir d’une approche dialectique opposant les intérêts des différentes parties mais bien une approche intégrative visant à rapprocher et faire converger les intérêts de tous.
    4. Certaines entreprises inscrivent la mission de faire vivre un pays dans leur statut. Ainsi les pâtés Hénaff. Sur le site de la marque, Jean-Jacques Hénaff, actuel président et petit-fils du créateur, écrit : « nous souhaitons rester maître de notre destin tout en maintenant l’objectif de notre fondateur : contribuer à la prospérité de notre territoire à la pointe de Bretagne ».
    5. Compendium §187 : « « En intervenant directement et en privant la société de ses responsabilités, l’État de l’assistance provoque la déperdition des forces humaines, l’hypertrophie des appareils publics, animés par une logique bureaucratique plus que par la préoccupation d’être au service des usagers, avec une croissance énorme des dépenses ». Le manque de reconnaissance ou la reconnaissance inadéquate de l’initiative privée, même économique, et de sa fonction publique, ainsi que les monopoles, concourent à mortifier le principe de subsidiarité. »
    6. Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, §1910.
    7. Cf. Livret EDC sur la subsidiarité p27 et suivantes
    8. Pour le chrétien, il s’agit du développement intégral c’est-à-dire « le développement authentique de l’homme concerne unitairement la totalité de la personne dans chacune de ses dimensions (…) un tel développement demande, en outre, une vision transcendante de la personne; il a besoin de Dieu: sans Lui, le développement est nié ou confié aux seules mains de l’homme, qui s’expose à la présomption de se sauver par lui-même et finit par promouvoir un développement  déshumanisé. D’autre part, seule la rencontre de Dieu permet de ne pas “voir dans l’autre que l’autre”, mais de reconnaître en lui l’image de Dieu, parvenant ainsi à découvrir vraiment l’autre et à développer un amour qui “devienne soin de l’autre pour l’autre”’ (Caritas in veritate – 11)
    9. L’entreprise n’est pas le lieu de la lutte des classes (Cf. Rerum novarum p 8 de ce livret). Elle est une communauté.
    10. Le cas des associations est intéressant. Comme l’expliquait le dirigeant d’une société de logement social, tout euro que nous n’économisons pas ou que nous ne dégageons pas en marge sont autant de logements que nous ne ferons pas pour des personnes qui en ont besoin.
    11. Cf. distinction entre motivations intrinsèques et motivations extrinsèques. Voir à ce sujet la théorie des deux facteurs de Frederik Herzberg (1923-2000)
    Témoignages

    Temps de ressourcement spirituel et managérial
    Réfléchir en équipes EDC et partager nos expériences

    Et vous, dans votre entreprise, comment cela se passe-t-il ? Vous pouvez vous poser ces questions individuellement ou en équipe EDC. 

    • Dans quelle mesure la rémunération des dirigeants est-elle en ligne avec l’exercice du bien commun ?
    • Comment la question du temps se pose dans l’entreprise ? Les systèmes et procédures facilitent-ils le court, le moyen ou le long terme ?
    • Comment le bien commun est-il pris en compte dans les décisions ? Comment les conflits entre personnes et services sont-ils résolus ?
    • Quelle est la vraie utilité de ce que je vends à mes clients ?
    • En quoi l’usage de mes produits et service les fait-il grandir en humanité ?
    • En quoi ces produits ou service renforcent ils le lien social ?
    Les autres questions sur le thème