Diversité et complexité des relations de la personne avec le travail
Publié le 15/11/2008Ce que l’on peut d’abord souligner, c’est la complexité et la diversité de la relation des hommes et des femmes avec le travail. Et cette complexité, cette diversité, n’est pas seulement liée à la nature du travail : intellectuel, manuel, au statut des personnes : patrons, cadres, salariés, ouvriers, au lieu d’exercice du travail : libéral, grande entreprise, PME, artisan, même si ces facteurs interviennent pour nuancer ou expliquer les réactions individuelles.
Pour certains, le travail est un moyen pour acquérir d’autres moyens ou de la reconnaissance sociale…
Le sens que chacun donne au travail impacte la vie personnelle. Il y a ceux pour qui le travail n’est qu’un moyen destiné à acquérir un autre moyen, l’argent par exemple, avec, en toile de fond, l’objectif de satisfaire leurs désirs, de combler leur manques : « j’ai l’impression, dit ce consultant en recrutement, que les personnes que je rencontre recherchent davantage une paie qu’un travail ». D’autres considèrent aussi que le travail n’est qu’un moyen, mais en vue d’une reconnaissance sociale, d’une réalisation de soi. Pour eux l’argent n’est pas premier. Ce qui compte d’abord c’est qu’il les fait exister aux yeux des autres et à leurs propres yeux. Pour ceux-ci, le risque est, qu’à la limite, le travail se transforme en une véritable addiction.
Dans les deux cas, les personnes concernées pensent que le travail n’a pas de sens en lui-même et ils ne trouvent, en général, pas de plaisir directement lié à leur activité professionnelle puisque ce n’est qu’un moyen en vue d’acquérir ce qui leur manque. Très souvent c’est pour eux un mal nécessaire, voire un lieu de souffrance. Ils illustrent le sens étymologique du mot travail qui vient du latin « tripallium », instrument de torture particulièrement douloureux, s’agissant d’un pal à trois pointes !
D’autres encore pensent que le travail n’a pas forcément de sens en lui-même mais que chacun peut lui en donner un.
Dans cette perspective, certains lui attribuent une connotation douloureuse, se souvenant du « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », non pas comme d’une punition mais comme le coût incontournable d’un élément structurant de la vie qui permet de s’accomplir par son aspect créateur.
« J’ai ressenti une grande souffrance du fait de l’autorité brutale et sans appel de mon responsable hiérarchique, témoigne ce salarié d’une grande entreprise, mais cette souffrance m’a aidé à grandir, à me remettre en cause, à oser m’affirmer, à vivre le conflit sans m’effondrer ».
Le travail pour être en harmonie avec les dons reçus
D’autres ont une vision plus joyeuse et le sentiment d’être, par leur métier, en harmonie avec les dons qu’ils ont reçus et/ou leur vocation. Ceux qui y parviennent mettent, entre autres en exergue des valeurs comme la primauté du bien commun et de l’intérêt général, ainsi que les notions de libre consentement, de solidarité, de sens du lien social, de dignité, de progrès personnel et collectif, de goût pour « la belle ouvrage », de sens des responsabilités.
La perception que chacun peut avoir du travail est également influencée par la manière dont cette relation a été vécue et parlée (ou non parlée) par les ascendants, les proches, notamment les parents. Par exemple : « Nos enfants ont vu leur père agriculteur travailler dur sans jamais se plaindre, dit une mère de famille, ils ont acquis le goût de l’effort : ils se mettent rarement en assurance maladie ».
Par ailleurs, la désertification rurale et la concentration urbaine ajoutées au glissement de l’artisanat vers l’industrie, ont éloigné le travail de sa finalité. La dimension spirituelle de participation à la création et le sentiment de dignité qui en résulte se sont trouvés affaiblis.
Le travail : un lieu où se vivent les différences
L’enseignement que l’on pourrait peut-être tirer de cette analyse des relations de l’individu avec le travail c’est qu’il s’agit d’un domaine, parmi d’autres, où les femmes et les hommes confrontent leur rêves, leurs désirs, leurs fantasmes, à la réalité et ses contraintes. C’est un lieu où se vivent les différences, les complémentarités, le rapport à la Loi.
Ce sont les plus matures, ceux qui ont de bonnes capacités d’adaptation au réel, une estime de soi raisonnable, un ego maîtrisé qui vivent le mieux les inévitables frustrations liées à la vie professionnelle et, dans les moments difficiles, se réfèrent à des raisons d’espérer, parfois contre toute espérance.
Mais notre monde favorise t-il l’accès des hommes et des femmes à la maturité adulte ?
Extrait d’un rapport rédigé en vue du Colloque organisé par le CLER Amour et Famille le 15 novembre 2008 sur le thème Vie de couple, vie de famille, vie professionnelle : comment ? Le mouvement des EDC était un des partenaires.