La « raison d’être », doit ainsi embrasser le plus largement possible les parties prenantes (stakeholders) autour d’une communauté d’intérêts ou d’objectifs partagés, même si chacun d’eux peut être vue différemment selon sa place dans l’entreprise.
Au-delà du projet des fondateurs, la « raison d’être » doit rassembler ces parties prenantes autour d’une ambition, d’objectifs, et de valeurs partagées de l’entreprise. Il ne s’agit pas d’une forme de charte éthique, mais bien plutôt de l’ontologie propre à chacune des entreprises. Au vu des points développés jusqu’ici, il nous apparaît que du point de vue chrétien, la « raison d’être » d’une entreprise peut être définie comme ce qui exprime sa nature et son projet, et qui lui permet de participer au bien commun.
Qu’entend-on ici par bien commun ?
Le bien commun n’est pas un objectif politique ou économique fixé par une autorité ou une notion purement philosophique. Il n’est pas plus l’apanage des seuls décideurs politiques, mais de toute personne au sein d’une communauté. Le bien commun peut être compris comme ce qui rend possible l’épanouissement de chacun au sein d’une communauté, lui permettant de mener une « vie bonne » et de répondre à la finalité profonde de son être1.
Sous un angle chrétien, « le bien commun [est] cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée »2. Ainsi entendue, la « raison d’être » d’une entreprise sera l’ensemble des conditions permettant aux parties prenantes de s’épanouir au sein de celle- ci afin qu’elle participe à la mise en œuvre d’une « vie bonne » dans le cadre de la société.
De telles ambitions peuvent apparaître immenses. En même temps la question se pose : comment l’entreprise peut-elle assumer son rôle multiple face à la société ? Comment peut-elle définir clairement sur quelles bases elle entend opérer, tant vis-à-vis des investisseurs, des collaborateurs, que de toutes les parties prenantes ?
La « raison d’être » est un cadre permettant de répondre à ces questions. Nous voyons en même temps que dans l’optique de la Doctrine Sociale de l’Eglise, si l’exigence morale vaut pour tous, en revanche les solutions peuvent prendre des formes variées, à la fois dans la compréhension même de la mission de l’entreprise concernée et dans le choix des moyens juridiques ou organisationnels qui y répondent.
Ce texte est extrait du Cahier des EDC La raison d’être de l’entreprise.
- Cahiers PRO PERSONA, « Le bien commun : une utopie ? » et « En économie et en finance, le bien commun a-t-il sa place ? », 2018 www.propersona.fr ↵
- Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, n° 26 ↵