Sur les questions posées dans le cadre de la consultation des Etats-Généraux sur la Bioéthique, en vue de la future loi de Bioéthique, les propositions des EDC seraient les suivantes :
1/ Cellules souches et recherche sur l’embryon :
Il faut continuer à distinguer les recherches sur l’embryon (à interdire) et sur les cellules souches, y compris « hématopoïétiques » (qu’elle soient issues de la moelle osseuse, du sang périphérique ou du cordon ombilical), acceptables, mais sur une base de don et non de « fabrication » thérapeutique du type « bébé médicament », qui joue avec la vie d’un enfant. Dans ces cas, toutes les autorisations prescrites qui encadrent la pratique sont à conserver, y compris l’accord à constater par le TGI pour éviter toute pression sur les personnes. Le suivi de santé des donneurs pourrait être prévu en plus de la pratique actuelle.
Si évolution il doit y avoir, c’est dans le sens d’une plus grande sécurité et d’une restriction des recherches aux cellules souches non embryonnaires, quelles qu’elles soient. D’ailleurs, il n’y a aucune recherche sur l’embryon ou les cellules embryonnaires qui soit autorisée depuis 2013 sur des cellules embryonnaires ou des embryons d’après le rapport de l’Agence de la Biomédecine 2018. Ce n’est donc pas un frein à quoi que ce soit.
L’Agence de la Biomédecine pose des questions dans le sens d’un élargissement des possibilités qu’il faut refuser, car elle démontre au contraire l’absence de besoin en ce sens.
La seule question est celle de la conservation des embryons destinés à la recherche par accord des parents, mais il faut plutôt se demander comment ne pas en créer de nouveaux et laisser les stocks en sécurité.
2/ Examens génétiques et médecine génomique :
Des possibilités à des fins thérapeutiques d’examens génétiques existent et prévoient l’information des parents susceptibles de souffrir des mêmes anomalies. Cela est encadré de façon stricte, même si certains allégements ont été introduits, qu’il faudrait réexaminer (agréments). La seule question qui mérite d’être ouverte serait celle d’un examen génétique post-mortem éventuel.
Il est indispensable de limiter ces examens au cas médical, car les utilisations abusives éventuelles par des assureurs ou employeurs peuvent s’ouvrir si ces examens deviennent autorisés de façon plus large. Nous savons quelles dérives l’économie peut attirer en l’absence d’éthique imposée par des lois. Les tests génétiques en accès libre posent un problème sérieux qui doit recevoir une solution technique et politique ferme d’interdiction en France.
Le traitement et la conservation des données doivent également faire l’objet de surveillance stricte. La commercialisation des données personnelles de santé doit rester interdite et contrôlée. L’usage de base de données ouvertes anonymisées en matière de santé publique peut être autorisé sous contrôle pour le bien collectif.
Enfin, en matière de diagnostic prénatal, les possibilités offertes aujourd’hui aux personnes à risque, avec leur consentement, sont suffisantes et ne doivent pas être généralisées pour éviter toute erreur (leur valeur prédictive n’est pas fiable actuellement) et toute tentation d’eugénisme, y compris sur les diagnostics préimplantatoires. L’accord des deux parents doit rester la norme.
La médecine génomique devrait s’interdire d’agir sur des cellules germinales (ovules notamment) et les embryons, comme elle s’interdit de le faire en France actuellement et à l’international, selon la convention d’Oviedo.
3/ Dons et transplantations d’organes :
Le régime introduit par la loi de 2016, celui du consentement présumé pour les personnes décédées, n’a pas eu d’effets sensibles selon l’Agence de la Biomédecine.
Prélever un organe à partir d’un consentement présumé reviendrait à une « nationalisation » du corps. Il faut donc que le consentement « présumé » ne devienne pas un consentement « imposé ». Nous préconisons que le recueil d’avis après des familles soit à nouveau une règle. Nous préconisons aussi que des moyens soient mis en œuvre pour proposer plus de pédagogie et faire tomber certaines peurs.
Le don de personnes vivantes limité aux proches nous paraît entrer dans la même logique. Elargir la « chaîne » des dons croisés avec des dons de personnes décédées ferait franchir un pas de trop vers la généralisation sans lien avec le receveur. Cela ouvrirait immédiatement la porte à des abus, vers la marchandisation visible ou invisible de ces dons par des personnes vivantes. Le statu quo est donc nécessaire sur ce chapitre.
Pour les dons de cellules « hématopoïétiques », voir plus haut sur les cellules souches.
4/ Neurosciences :
Actuellement limités aux fins médicales, de recherche scientifique ou d’expertises judiciaires, les examens d’imagerie cérébrale sont très encadrés depuis 2011. Compte tenu de cette orientation « médicale », il est normal que l’Agence de la Biomédecine reste chargée d’évaluer ces techniques et ces pratiques, même si elle souhaite s’en décharger.
Nous ne souhaitons pas non plus que leur prescription soit élargie. Elle est déjà très large et doit continuer à être strictement contrôlée, pour éviter les utilisations abusives « discriminantes » ou la manipulation du cerveau humain.
5/ Données de santé :
Cf. plus haut sur les examens génétiques.
6/ Intelligence artificielle et robotisation :
La question est large, mais nous avons compris qu’elle était posée pour les applications médicales (diagnostic et soins) ou paramédicales (accompagnement des patients).
Les attentes des personnes vont à l’encontre d’une robotisation poussée. En effet, les projets d’accompagnement automatisé des personnes âgées par exemple se heurtent à leurs souhaits de contacts réellement humains. Pour les personnes fragiles, le dialogue avec le médecin ou le personnel soignant est indispensable.
Comme dans les entreprises, la robotisation peut faire perdre de la souplesse et de la réactivité : pour des petites séries, il faut pouvoir introduire rapidement des caractéristiques adaptées. De même, la variabilité des caractéristiques des personnes oblige à adapter au cas par cas, ce qu’une machine ne saura pas faire. Les protocoles médicaux sont déjà très rigides, parfois au mépris du bien-être des patients. N’allons pas plus loin en ce sens sans réfléchir à ce qui apporte un mieux-être humain ou non.
Essayons plutôt de restaurer les liens relationnels qui rendent la vie « humaine », les liens gratuits et intergénérationnels également. Par exemple, en développant l’hospitalisation à domicile et en favorisant les dons de RTT pour un parent malade entre salariés dans les entreprises.
7/ Santé et environnement :
Nos entreprises sont très engagées sur le Développement durable, au travers de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Aussi les préoccupations de santé et environnement sont-elles partagées par nos membres. Les atteintes à l’environnement ont des conséquences sur la santé humaine, mais aussi sur les autres êtres vivants sur notre planète.
Tout est lié, pour nous, et doit être lié dans la recherche de bonnes pratiques pour réparer ou limiter les dommages actuellement subis par les espèces et les personnes les plus fragiles. Le principe de précaution doit s’appliquer pour réduire l’utilisation des substances ou pratiques qui nuisent à la santé humaine, notamment sur le plan neuronal ou reproductif.
Les méthodes alternatives, moins agressives pour l’environnement, sont déjà en cours : par exemple, en agronomie, pour l’alimentation et pour préserver à long terme les sols et les eaux ; dans le domaine de l’énergie et des transports, pour la qualité de l’air et de l’atmosphère ; ou bien dans l’industrie et le bâtiment, pour réduire les consommations de matières premières non renouvelables, d’eau et d’énergie. Diminuer les rejets de manière générale est bon pour l’environnement, pour l’économie et pour les personnes.
C’est un objectif que nous partageons en tant que producteurs, pour satisfaire en même temps les consommateurs de façon responsable et être justement payés de nos produits et services.
Mais nous y rattachons aussi l’accueil des personnes fragiles, handicapées, exclues ou malades, dans les entreprises. L’attention que nous voulons y porter doit refléter notre vision de la dignité intrinsèque de chaque personne humaine. Il en va de même de la société toute entière qui s’honore de cette attention aux plus faibles. Comme le dit le pape François, « le cri de la terre et le cri des pauvres » proviennent d’une seule et même crise, celle des relations de l’homme avec lui-même, avec les autres et avec la Création, et ultimement avec le Créateur.
8/ Procréation et société :
Nous le voyons dans nos entreprises, l’harmonie de la personne grandit quand elle peut se réaliser à la fois dans sa famille, son travail et ses autres engagements. En particulier, l’épanouissement de la femme ne passe pas par l’accès à des techniques de procréation lui permettant de reporter l’accueil d’un enfant après la réalisation d’une carrière professionnelle mais plutôt par la conciliation de tous ses projets personnels, soutenus par les entreprises et par une politique familiale favorable. Dans nos entreprises, nous pouvons témoigner du fait que les mères de famille déploient des talents dont il serait dangereux de se priver. Nous souhaitons favoriser l’accueil de la vie et l’épanouissement des personnes.
Nous sommes donc opposés à la congélation des ovocytes et des embryons en vue d’une implantation ultérieure qui vient rompre le rythme naturel de la vie.
Plus largement, toute personne a besoin d’une identité claire, d’un père et d’une mère, d’une famille stable, pour se développer en sécurité affective et sociale. Nous en voyons pour preuve les désordres créés par les situations familiales difficiles pour nos collaborateurs.
Un enfant ne peut donc pas être un objet de marchandage ou d’échange même gratuit. C’est déjà un sujet dès sa conception. Il a droit au respect, au soutien matériel et affectif d’une famille sans lequel il meurt, tant sa dépendance est grande à la naissance et pendant sa croissance, à la différence de la plupart des animaux, qui deviennent autonomes beaucoup plus rapidement.
En tant qu’être humain, l’enfant ne peut pas être volontairement privé d’un père, ce qui résulterait d’une ouverture de la PMA avec donneur anonyme aux femmes seules ou homosexuelles, ou privé d’une mère, ce qui résulterait de l’autorisation de la Gestation Pour Autrui en France, notamment pour des hommes seuls ou homosexuels. Même si les situations des personnes qui souffrent de l’absence d’enfant peuvent faire l’objet de la compassion due à toute souffrance humaine, elles ne doivent pas conduire à organiser ces privations au détriment grave d’un enfant à venir.
De même, pour le respect de tous, parents et enfants, les allègements envisagés pour développer l’assistance médicale à la procréation (suppression de l’accord de l’autre membre du couple au don de gamètes, allègement des procédures de don d’embryon, extension au secteur lucratif de l’activité de don…) ne sauraient être admis. Et toutes les AMP doivent limiter plus strictement le nombre d’embryons fabriqués afin de cesser d’accroître leur stock. Ce sont déjà des êtres humains !
Les générations futures ne peuvent aujourd’hui s’exprimer. C’est à nous qu’incombe la responsabilité de les protéger. Nous ne pouvons pas les sacrifier pour satisfaire des intérêts de court terme de la génération actuelle. Invoquer une volonté d’égalité entre des situations intrinsèquement différentes ne saurait être un argument républicain recevable.
9/ Prise en charge de la fin de vie :
Le respect de la vie et des personnes est primordial pour une société, dont la qualité se lit dans la manière dont elle traite les plus vulnérables. La fragilité nous fait grandir aussi. Elle n’est pas perdue pour l’homme, dont la vie ne lui appartient pas et dont nous ne pouvons disposer.
Les personnes les plus fragiles physiquement et psychologiquement nous le rappellent quotidiennement. Elles sont une richesse dans nos familles et nos entreprises. Elles nous rappellent à l’essentiel et nous invitent à organiser la société pour faciliter leur accueil et leur accompagnement, notamment en hospitalisation à domicile.
Comme cela est très bien expliqué par les spécialistes des soins palliatifs, les personnes dans la détresse peuvent dire vouloir mourir alors qu’elles veulent seulement entendre qu’elles sont aimées et qu’elles seront accompagnées humainement et dignement pour leur fin de vie.
Aujourd’hui les moyens médicaux permettent de réduire la douleur et de maintenir la dignité de la personne jusqu’à la fin, en autorisant une ou des pauses de sédation profonde, si besoin est.
La loi de 2016 va déjà très loin dans le souhait de recueillir par avance la volonté des patients relative à leur fin de vie. Il n’est pas souhaitable d’aller plus loin. Son application attentive doit se poursuivre et des corrections être envisagées, plutôt pour revenir sur d’éventuels abus d’arrêts des soins, notamment en distinguant traitements thérapeutiques et soins destinés au maintien de la vie.
Nous souhaitons pouvoir offrir à nos salariés la possibilité de mieux accompagner les personnes qui ont besoin d’un accompagnement en fin de vie. Des mesures de soutien de cette démarche nous semblent prioritaires à toute autre législation sur la fin de vie.
Propositions des EDC pour la loi Bioéthique 2018