Vie familiale, vie professionnelle : vers un programme d’aide aux employés ?
Publié le 15/11/2008Les employeurs ont la possibilité d’agir à travers une politique sociale qui prend en compte les contraintes de la vie conjugale et familiale de leurs salariés. Dans la perspective du colloque sur la vie familiale et la vie professionnelle, le CLER a fait la proposition d’un programme d’aide aux employés dont pourraient s’emparer les entreprises.
Voici encore un domaine où apparaissent au travers des réflexions et documents recueillis beaucoup d’éléments antagonistes à concilier.
Un rythme de travail envahissant le temps personnel
On constate dans notre pays la persistance de la plainte des salariés, en raison notamment de ce qui est ressenti comme une pression excessive du rythme du travail, devenu irrégulier et imprévisible, dominé par l’urgence, l’exigence de performance, envahissant le temps domestique, avec tous les problèmes qui en découlent : manque de satisfaction, stress, renoncements (notamment au désir d’enfant), problèmes de santé, dépression, suicides, difficultés dans les relations familiales et affectives.
Et pourtant, la majorité des entrepreneurs n’ignorent plus, du moins dans les pays démocratiques comme le notre, que leur responsabilité sociale primordiale d’éviter le dépôt de bilan et donc de veiller à la compétitivité et à la santé financière de leur entreprise ne peut s’exercer sans l’adhésion des salariés, ni au détriment de leur santé physique et morale.
Actions en entreprise en vue de concilier vie privée et vie professionnelle
Pour éviter ou limiter les inconvénients liés à l’absentéisme, à la diminution de la motivation et du rendement, à la résistance à la mobilité et/ou au changement, beaucoup d’entre eux ont mis en œuvre dans leur entreprise des services en vue d’actions sociales de proximité soucieuses de concilier vie privée et vie professionnelle : Directions des ressources humaines, structures de formation pour les jeunes, « manageurs de l’âme » (coachs, formateurs), actions de communication chaleureuses.
Organiser l’articulation des sphères professionnelles et personnelles
On assiste donc à un double phénomène. La sphère du privé s’immisce de plus en plus dans l’entreprise et, dans le même temps, l’entreprise empiète sur le domaine privé, voire de l’intime.
Ainsi l’articulation des sphères professionnelles et personnelles devient de plus en plus complexe mais il apparaît nécessaire de l’organiser. Il se pose alors la question de la légitimité et des limites de l’intrusion de l’entreprise dans la vie privée.
Des « Work Life Programs » en Amérique.
Les pays anglo-saxons ont apporté une réponse par le développement des pratiques dites de « Work Life Programms » dont le PAE (Programme d’Aide aux Employés) est une illustration au Québec et aux États-Unis. Dans ce contexte, l’entreprise prend en charge et finance l’aide à la personne considérée dans sa globalité, vie professionnelle et vie privée, travail et hors travail faisant partie du même périmètre de gestion.
Face à ce concept, les réactions des acteurs sociaux de notre pays apparaissent, d’une manière générale, tout à la fois intéressées et réservées.
Du côté des syndicats, ce qui est primordial pour les salariés c’est la préservation de leurs droits et de la justice sociale. Ce domaine est celui de l’action syndicale.
La crainte exprimée par rapport au PAE, c’est le retour au paternalisme du 19ème siècle sous une autre forme en augmentant la dépendance des individus vis-à-vis de l’entreprise. Le rôle protecteur et la place de l’État (Providence?) doivent rester prépondérants. Cette affirmation forte apparaît clairement dans la réaction de ce militant syndical : « Ce n’est pas à l’Entreprise de remplacer la Sécurité Sociale ». Mais il y a des avis plus nuancés qui reconnaissent que certains employeurs jouent pleinement le jeu de la conciliation des temps de vie même si tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne, notamment ceux des petites entreprises qui disposent de moins de moyens.
Parmi les solutions proposées on relève celle d’une régulation et d’un suivi objectif des temps de travail par la mise en place d’outils de mesure et de sondages réguliers sous l’égide des Comités d’Entreprise.
Par ailleurs, dans ce contexte, les besoins d’assistance aux salariés, cadres ou non- cadres, devraient être validés par les CHSCT ou des instances de représentation.
Une structure d’aide aux salariés en difficulté psychologique dans leur vie de couple ou leur vie de famille, pourrait se faire par extension du rôle des complémentaires santé.
En ce qui concerne une aide de type PAE, une transposition en France n’est pas rejetée à condition de bien définir ce qui est dans et hors du domaine de l’entreprise. Ainsi, une structure d’aide aux salariés en difficulté psychologique dans leur vie de couple ou leur vie de famille, pourrait se faire par extension du rôle des Complémentaires Santé, que l’entreprise peut financer, ou par une prise en charge améliorée par l’assurance maladie. Dans tous les cas les syndicats considèrent que ces dispositions doivent être validées par la concertation et la négociation.
Les interactions entre vie professionnelle et vie conjugale ne sont souvent qu’une des problématiques qu’ont à traiter les conseillers conjugaux.
Les conseillers conjugaux et les personnes formées à l’écoute de la souffrance psychique, abordent la question sous un angle plus général. Ils sont confrontés dans leur pratique aux difficultés rencontrées par les personnes au niveau de l’affectivité et de la relation à autrui et ils pensent pour la plupart qu’il est souhaitable de garder un cloisonnement entre vie professionnelle et vie conjugale et familiale, les interactions entre les deux sphères n’étant souvent qu’un des éléments des problématiques qu’ils ont à traiter.
Eviter d’amener le salarié à conformer son comportement aux besoins de l’entreprise
Certains craignent que des pratiques d’aide à la personne intégrée à l’entreprise (le coaching par exemple) n’exploitent en réalité l’intime dans le seul objectif d’amener le salarié à conformer son comportement aux besoins de l’entreprise. Ils y voient un risque de manipulation par l’affectif.
La question de l’organisation de « Points Écoute » dans l’entreprise leur paraît envisageable sous réserve de préserver absolument l’anonymat. C’est pourquoi il se dégage un certain consensus pour qu’il soit plutôt fait appel à des organismes extérieurs à l’entreprise avec prise en charge financière des entretiens totale ou partielle.
Respecter la vie privée des salariés
Pour les conseillers conjugaux et familiaux c’est, semble t-il, la notion de respect de la personne et de sa vie privée qui doit rester l’objet de tous les égards. Leur travail est centré sur l’accompagnement de la personne à une réflexion sur soi en vue de l’acquisition d’une plus grande autonomie mais dans le respect du cheminement de chacun.
C’est cette compétence qu’ils proposent de mettre au service des entreprises tant auprès des managers pour les aider au discernement des bonnes distances relationnelles dans l’exercice de leurs responsabilités et de l’équilibre de leur vie personnelle qu’auprès des salariés pour les aider à se situer en vérité et à trouver un juste compromis entre vie professionnelle et vie privée.
Les questions de forme ou de montages pratiques sont encore à inventer mais sur le fond chacun sent bien que les enjeux sous-jacents ne pourront rester sans réponses. Les récents bouleversements économiques et les problèmes éthiques et humains soulevés ne manquent pas de nous le rappeler.
Extrait d’un rapport rédigé en vue du Colloque organisé par le CLER Amour et Famille le 15 novembre 2008 sur le thème Vie de couple, vie de famille, vie professionnelle : comment ? Le mouvement des EDC était un des partenaires.