Le principe de participation à deux niveaux : personnel et politique (organisation et exercice du pouvoir)
Publié le 31/01/2019Le principe de participation nous fait réfléchir à deux niveaux : au niveau personnel et au niveau politique.
Le premier niveau de participation est le niveau personnel
Chacun est appelé à agir là où il est dans son champ de responsabilité directe car comme nous le rappelle Jean Paul II sur le rôle des laïcs « il n’y a pas de place pour l’inaction, lorsque tant de travail nous attend tous dans la vigne du Seigneur ».1 En effet, l’importance des enjeux sociaux, économiques, culturels, politiques, écologiques fait qu’aujourd’hui plus que jamais « il n’est permis à personne de rester à ne rien faire »2
Pour Jean Paul II cette urgence à agir correspond aussi à une attente. En effet, l’aspiration des personnes à s’impliquer davantage est « un des traits distinctifs de l’humanité actuelle ». Elle serait même un véritable « signe des temps » »3 chez les jeunes, les femmes et chacun de nos contemporains. Chacun souhaite davantage pouvoir s’exprimer dans la culture, la vie familiale et scolaire, mais aussi – et c’est davantage l’objet de ce livret – dans la vie économique.
L’aspiration à la participation trouve une réponse dans les tendances managériales d’aujourd’hui
Cette aspiration trouve une réponse dans les principales tendances et méthodes managériales d’aujourd’hui. Chaque entreprise cherche à déployer du management participatif au travers par exemple de cercles de progrès ou encore de méthodes agiles. D’autres déploient des outils et des méthodes collaboratives. Mais cette aspiration va parfois plus loin et peut concerner la gouvernance même de l’entreprise. On parle alors de codétermination, de cogestion, de concertation, de paritarisme.
Pour autant ce mouvement vers plus de participation, s’il est réel, peut se mixer avec des tendances contraires. Ainsi l’individualisme qui pousse à davantage utiliser les communautés qu’à les servir, la difficulté à s’engager dans la durée. Combien de responsables d’entreprises ont été surpris par des collaborateurs qui après avoir travaillé avec passion plusieurs années se sont désengagés brutalement.
Le deuxième niveau de la participation est le niveau politique.4
Il revient à tous ceux qui ont une responsabilité politique – et c’est le cas du chef d’entreprise vis-à-vis de son entreprise ou du manager vis-à-vis de son équipe – d’organiser les choses de façon à ce que chacun puisse participer.
Pour Arthur Rich5, théologien protestant, c’est une question de justice.
En effet, alors que les autres critères « concernent en premier lieu le comportement personnel (que ce soit celui d’individus isolés ou de groupes) en relation avec d’autres hommes ou d’autres créatures. » la vie humaine ne se limite pas aux relations personnelles immédiates. Elle prend tout son sens « dans les relations médiatisées par les institutions, dans lesquelles se joue notre existence de citoyen, de producteur et de consommateur, de retraité, etc. Si le domaine de la réalité sociale a une structure inhumaine, alors les relations personnelles immédiates, d’homme à homme, en subiront aussi le contrecoup ». Le critère de la participation permet donc « de prendre en compte la dimension spécifiquement socio-éthique de notre responsabilité ».
La mise en œuvre de la participation dépend du contexte culturel, social et politique, et de la capacité de chacun à exercer sa propre liberté.
Transposé du niveau personnel à celui des institutions, cela signifie que les structures sociales ne répondent à l’exigence de justice que si elles permettent à toutes les personnes concernées d’avoir part au pouvoir, aux droits, aux avantages et aux biens dispensés par ces structures et si ces structures interdisent la naissance d’injustices.
Reconnaissons également que les conditions pour développer la participation ne sont pas toujours réunies et qu’un travail tout particulier doit être fait pour dépasser certains obstacles culturels, idéologiques, légaux… Ainsi, il existe « des pays où ce droit n’est énoncé que formellement, mais ne peut pas s’exercer concrètement ; ou d’autres pays encore où l’éléphantiasis de l’appareil bureaucratique nie de fait au citoyen la possibilité de se proposer comme un véritable acteur de la vie sociale et politique ». Chacun pourra transposer cette phrase à l’entreprise. La mise en œuvre de la participation dépend du contexte culturel, social et politique, et de la capacité de chacun à exercer sa propre liberté.
Source : Cahier des EDC Le principe de participation
- Christifideles Laici §5 – Relire Mt 20-6,7 ↵
- Christifideles Laici §2 ↵
- Christifideles Laici §3 ↵
- Dans son sens premier d’organisation et d’exercice du pouvoir dans une société organisée ↵
- Arthur Rich(1910-1992), professeur de théologie protestante et d’éthique à Zurich, a rédigé une synthèse unique dans le champ de l’éthique protestante « Éthique économique » (Edition Labor et Fide, 1994) Dans ce texte remarquable, Rich montre que si le système de l’économie de marché a l’avantage d’être foncièrement réformable, au contraire de toute économie planifiée, il exige des régulations équitables et responsables. Il met en évidence, la notion de co-humanité qui a une grande importance dans la pensée de Rich. Pour lui, la co-humanité signifie que chacun partage avec les autres ce qu’il est, ce qu’il a et ce qu’il fait. “Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même” dit Jean-Baptiste de façon lapidaire. ↵