Le partage des fruits de l’entreprise avec l’actionnariat salarié
Publié le 31/01/2019La France est championne d’Europe de l’actionnariat salarié. En effet, 76% des sociétés cotées ont un PEE (Plan d’Epargne Entreprise) et les salariés français détiennent 4% du capital des entreprises contre 1,6% en Europe. Ces chiffres sont attribuables à une tradition depuis de Gaulle, et à une fiscalité favorable.
En pratique cela concerne surtout les entreprises cotées, et la concentration sur les cadres supérieurs et dirigeants est de plus en plus importante.
Cependant, l’actionnariat salarié recouvre en pratique des situations extrêmement diverses :
- L’épargne salariale qui concerne surtout les entreprises cotées
- Les stock-options, actions gratuites et autres instruments qui ne sont que des instruments de rémunération variable mais ne donnent pas de droits d’actionnaires et n’impliquent pas une participation particulière des salariés concernés
- L’actionnariat salarié « en dur » dans les PME (souvent lors d’opérations de reprise d’entreprise dans lesquelles il est proposé aux salariés de s’impliquer)
- Les start-ups dans lesquelles l’accès au capital et la promesse d’une hypothétique valorisation servent parfois de substitut à un manque de rémunération…
- Les SCOP dans lesquelles les actionnaires sont les salariés, collectivement majoritaires.
Les vertus généralement attendues de l’actionnariat salarié sont multiples :
- C’est un mode de partage de la valeur, et un outil d’alignement des intérêts des salariés et des actionnaires
- C’est, surtout dans les PME non cotées, un outil de reconnaissance du salarié comme faisant partie de l’aventure entrepreneuriale collective, dont les dirigeants attendent souvent des bénéfices en termes en termes d’implication et de fidélisation des salariés
- Le coût fiscal et social est moindre comparé à la rémunération soumise à charges sociales et impôts. Nous estimons cependant que substituer de la rémunération par de l’accès au capital est une erreur fréquente qui conduit souvent à des déceptions.
- L’actionnariat salarié instaure de fait d’une obligation de transparence sur les performances, et plus généralement d’une obligation de respect du patron envers ses actionnaires salariés, aussi à leur titre d’actionnaire.
Elles s’accompagnent d’obligations corrélatives :
- Obligation d’information régulière et précise sur les performances
- Pour les entreprises non cotées, obligation d’organiser la liquidité pour les salariés qui souhaitent réaliser leur capital lors de leur départ ou à l’occasion d’un événement familial
- Prise en compte des différences individuelles de capacité d’investissement.
Et de risques à maitriser :
- Déception des salariés, à qui on n’aurait pas bien expliqué qu’ils peuvent tout perdre
- Confusion entre le lien du contrat de travail et le lien d’actionnaire (« j’ai plus de capital que toi donc c’est moi qui décide »). Le patron reste le mandataire social, le chef de service reste le chef de service
- Pour les start-ups en particulier, risque de substitution à une rémunération normal
- Lorsque la part des salariés est importante, incapacité à faire face à un besoin d’augmentation de capita
- Pour les stocks options dans les entreprises surperformantes, effets collatéraux de rémunérations disproportionnées
Le capital financier ne mesure pas toute la valeur créée dans une entreprise. Son optimisation à court terme peut détruire de la valeur collective, par exemple par un sous-investissement ou un sous-recrutement : il existe donc un risque réel de perversion des décisions.
Pour mettre en œuvre l’actionnariat salarié, il est donc nécessaire de se doter d’une politique formalisée et claire d’actionnariat salarié, dans laquelle la formation aux enjeux, aux droits et devoirs tienne une bonne place.
En conclusion, l’actionnariat salarié est un outil, adapté dans certains cas, parfois très performant, à manier avec des règles précises, mais il ne peut en aucun cas l’alpha et l’oméga de la participation.
Faire participer les salariés au capital contribue à développer la participation (au sens où nous l’entendons dans cet ouvrage), si et seulement si cette démarche est en cohérence avec une vision participative plus large, portée par les dirigeants, qui repose sur une vision de l’homme et de sa contribution au projet entrepreneurial, La participation au capital en est alors à la fois une composante et une conséquence.