Eclairage de fond

Mission sur « Entreprise et intérêt général » – Contribution des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens

Publié le 28/02/2018

La mission confiée par le Gouvernement à Mme Nicole Notat et Jean-Dominique Senard porte sur la vision de l’entreprise et de sa mission au regard de l’intérêt général. Elle pourrait conduire à la modification des textes juridiques définissant les finalités des entreprises en France.

Nous souhaitons exprimer le point de vue des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens sur ces sujets.

 

1/- Contribution des entreprises au bien commun

Pour notre part, nous préférons nous référer au « bien commun » qu’à l’intérêt général, terme trop vague et souvent retenu du seul point de vue de l’Etat en France. Cette notion de bien commun permet de prendre en considération des intérêts ou finalités parfois contradictoires en surmontant leur opposition par l’invention de nouvelles bases communes.

Ainsi peuvent se combiner liberté d’entreprendre et responsabilité sociétale[1] des dirigeants auxquelles nous sommes très attachés, mais aussi dignité des personnes et organisation du travail, respect de l’environnement et performance économique.

Les entreprises sont à nos yeux des contributeurs essentiels du bien commun de la société par la création de biens et de services d’abord et le partage qu’elle permet ensuite.

Créer et partager font partie des gènes des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens. Nous soutenons qu’il est de la responsabilité de l’entrepreneur d’oser la création afin de développer des biens ou des services utiles, qui ont une valeur pour la société. Le risque pris par l’entrepreneur doit être encouragé, par une liberté d’action essentielle, et rémunéré par des profits justifiés, lorsque le succès est au rendez-vous.

Il est également de la responsabilité du dirigeant de faire vivre la communauté des personnes constituant l’entreprise, dans le respect de la dignité de chacun, l’accès au travail étant un élément important de cette dignité et le développement de tout homme et de tout l’homme participant du bien commun.

Nous souhaitons souligner l’« utilité sociétale » de l’entreprise par ses contributions multiples au bien commun de la collectivité : par les emplois qu’elle crée et les salaires qu’elle verse, par les sous-traitances qu’elle distribue, par les cotisations, impôts et taxes directs et indirects, qui permettent le financement des actions publiques et la redistribution à travers les régimes sociaux. Cette contribution irrigue très largement le tissu économique et social et permet d’alimenter pour une large part le partage indispensable avec les plus faibles et les plus démunis, qui ne se réaliserait pas sans cet apport.

 

2/- Propositions de réforme

Dans ce contexte, les propositions visant à permettre aux entreprises qui le souhaitent d’expliciter leur « mission » dans un objet social dépassant la simple mise en commun de moyens par les associés d’une société, telle que la décrit le Code civil, vont pour nous dans le bon sens.

Notre ambition serait sur la base d’une communication positive et vertueuse d’ouvrir cette option à toute entreprise, afin d’inviter chaque entrepreneur à s’interroger sur les finalités de son entreprise, sa capacité d’innovation, son capital immatériel et humain, qui constituent un véritable « patrimoine » à faire fructifier au profit du bien commun. Il nous semblerait intéressant que ces points puissent être explicités en assemblée générale.

Sans en faire une nouvelle obligation, sachant que le Code de commerce fait déjà obligation de rendre compte de l’impact social et environnemental, ou climatique avec l’article 173 de la Loi sur la Transition énergétique et la Croissance verte, des activités des grandes entreprises par exemple, cette possibilité serait pour tous une opportunité de renforcer l’attention portée aux parties prenantes, au sens large, aux impacts de toute nature et à une gouvernance plus ouverte.

La formulation de cette voie étroite est délicate mais nécessaire. Elle pourrait passer par une ouverture dans l’article 1833 du Code civil soit en ajoutant « notamment » à l’intérêt des associés seuls nommés dans le texte actuel, soit en ajoutant éventuellement une mention explicite, mais non contraignante, de la prise en considération des parties prenantes au développement de l’entreprise, incluant l’environnement.

Ainsi les dirigeants et actionnaires pourraient-ils être interrogés en assemblée générale ou en interne sur les parties prenantes qu’ils prennent en considération et leur manière de contribuer à leur respect ou même à leur « développement intégral ».

[1] L’avènement de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE), largement inspirée des principes de la pensée sociale chrétienne, a été suivi avec attention et encouragé par nos publications. Cf. « La RSE, responsabilité sociétale de l’entreprise – Un regard d’entrepreneurs et dirigeants chrétiens sur la mise en œuvre du Développement durable », EDC 2013.

Paris, le 28 février 2018