Comment la mise en réseau et l’interconnexion des personnes peuvent-ils faciliter la coopération et la qualité des relations ?
Publié le 18/07/2018La qualité et la vitesse de la communication au sein des équipes, avec les clients et l’environnement sont des facteurs de performance des entreprises. En permettant le partage immédiat de la connaissance, en facilitant l’émergence d’organisations décentralisées, les techniques de communication modernes sont devenues des outils indispensables. Elles sont aujourd’hui au cœur de l’organisation et des processus des entreprises.
Les nouveaux outils de « coopération » permettent d’associer la réflexion de chacun pour faire émerger un travail commun de façon très efficace. De nouvelles formes de services ont ainsi pu être développées.
Par les nouvelles techniques de communication, chacun de nous peut être en relation avec un nombre important de personnes. Grâce aux réseaux (LinkedIn en particulier), nous entrons en relation avec des personnes que nous n’aurions jamais connues, sans pour autant les « connaître » au sens plein (con-naître = naître avec ou naître à une nouvelle relation). Le succès de ces réseaux s’explique sans doute par un besoin humain d’ouverture et de création de relations, voire à un besoin de communauté.
Cette communication est permanente. En effet, nous nous pouvons désormais appréhender :
- Toutes les situations et toutes les actions à la fois…
- Tout le temps : les différentes activités se mélangent. Chacun répond à ses mails personnels sur son lieu de travail et suit le soir et le week-end sur son iPhone ses mails professionnels. Le temps de l’action, de la réflexion et de la décision tendent à se confondre et il nous semble que, si nous séquençons nos tâches, nous n’arriverons pas à tout faire. Nous cherchons donc à tout faire en même temps.
- N’importe où : dans les groupes internationaux, une équipe est souvent composée de collaborateurs de plusieurs pays différents, qui ne se rencontrent physiquement qu’une ou deux fois par an. La production d’un service peut être non localisée, ou partiellement déportée chez le client par exemple, rendant la frontière entre ce que doit faire chacun moins nette.
Cette communication plus large, plus rapide pourrait être moins humaine. En effet, certains outils de communication nuisent paradoxalement à la communication dans la mesure où, dans les échanges, ils ne font appel qu’à une partie de nos sens. Réduisant notre « bande passante » d’attention à l’autre, ils créent de la distance tout en paraissant le rendre plus accessible.
Les liens développés sont des liens qui ont pu être qualifiés de faible. En effet, la connexion n’est pas la rencontre1 : dans le réseau, nous sommes dans des liens faibles et par nature révocables. La créativité permanente nécessaire au maintien de ces liens faibles peut par ailleurs s’avérer vite épuisante.
Enfin la réflexion et l’échange qui y prennent place sont la plupart du temps de moindre qualité. Ainsi, l’interactivité devient essentiellement émotionnelle (SMS, Tweet). Elle n’est plus dialogue mais réaction et émotion.
Les entreprises ont un rôle à jouer pour rendre plus humaines et fécondes2 les nouvelles technologies de communication.
Il s’agit de ne pas survaloriser la technique et donner à la personne sa juste place. En effet, les révolutions techniques, aussi fulgurantes soient-elles, ne « semblent pas révolutionner fondamentalement nos rapports à l’amour, à l’amitié, à l’empathie, à l’estime de soi… bref au bonheur »3. Comment laisser la place aux besoins de silence, d’émotion, de réalisation, de sensations, de découvertes, de rencontres ? Pour cela les dirigeants peuvent veiller à :
- Créer des frontières, des limites pour préserver la vie privée de chacun. Il est possible de fixer des règles pour le bon usage des mails le soir et le week-end.
- Développer tout ce qui peut créer des relations de qualité entre les personnes entre elles. Il s’agit d’abord de rappeler l’importance et le sens des relations humaines au sein de l’entreprise. Prendre soin de la qualité des relations entre les équipes commence par veiller que les règles de courtoisie soient respectées. Il est parfois nécessaire de les rappeler. Cela continue en donnant le temps et les moyens pour que les rencontres aient lieu.
- Passer de la mise en réseau à une coopération4 en profondeur. La mise en réseau et les outils collaboratifs sont une formidable opportunité de créer de la coopération en profondeur. Cependant, il est nécessaire de s’en occuper.
Les hommes et les femmes ont une tendance spontanée à la coopération, sous réserve qu’ils aient le sentiment que la justice soit respectée.
Les hommes et les femmes ont une tendance spontanée à la coopération, sous réserve qu’ils aient le sentiment que la justice soit respectée : égalité des traitements, perception que leur interlocuteur pense aussi à eux, conviction que ceux qui jouent le jeu seront récompensés et que ceux qui ne jouent pas seront sanctionnés.5
Humaniser la technique ne consiste pas d’abord à changer les techniques mais à développer la qualité des comportements : les vertus, les dimensions spirituelles, l’attention des uns vis-à-vis des autres, la confiance dans la communauté et dans l’autorité.
Questions :
- Quels sont les outils de communication et de coopération en place dans l’entreprise ? En quoi et comment facilitent-ils la coopération entre les collaborateurs ? Avec les clients ? Avec les fournisseurs ?
- Comment développer la qualité des échanges ? Quel place au dialogue ?
- Dans ce sens, la mise en scène du travail et de soi prend de l’importance. Quand le travail est de plus en plus « virtuel », chacun identifie de moins en moins bien ce que fait vraiment son collègue… Il importe donc de redonner de la visibilité à son travail et à ce que l’on est. C’est pour cela que se développent les conseils en image personnelle. ↵
- Au sens du développement intégral de l’homme et de tout homme. ↵
- Pietro Georgini La transition fulgurante, éd. Bayard, 2014, p. 362. ↵
- Les étymologies sont intéressantes : collaboration vient de « labor » et consiste donc à travailler ensemble. Coopération vient de « cooperatio », « part prise à une œuvre faite en commun ». Notons que« coopération » contient « opera », l’œuvre. ↵
- Pour développer la coopération, il peut s’avérer nécessaire de valoriser ceux qui coopèrent et de contrôler les tentations individualistes. C’est le rôle du management et des règles de vie dans l’entreprise. La mise en place de procédures ou de contrats y contribuent mais, outre qu’ils sont coûteux, ils sont rapidement limitants pour la coopération elle-même. ↵