La question de la gouvernance est ici abordée uniquement sous l’angle de ses liens avec la participation.
Qu’est-ce que la gouvernance ?
Parler de gouvernance, c’est aborder l’articulation entre les actionnaires, les mandataires sociaux, et le management d’une entreprise. Quelle que soit la forme juridique choisie on retrouve toujours, même si les rôles sont parfois confondus :
• un ou des actionnaires (familiaux, anonymes, voire « à la picoseconde » (marchés), fonds d’investissements, holding groupe, patriarche propriétaire),
• un organe de « contrôle » (le président d’une SAS, conseil de surveillance, conseil d’administration, comité stratégique issu d’un pacte d’actionnaires),
• une équipe de direction (directeur général qui cumule ou non la fonction du président donc PDG, un ou plusieurs DG délégués, un directoire dans une SA à CS).
Ces trois rôles correspondent à trois types de pouvoir distincts :
- le pouvoir souverain des actionnaires
- le pouvoir de surveillance des organes de contrôle
- le pouvoir exécutif de l’équipe dirigeante
L’équilibre de ces pouvoirs varie notablement selon les situations :
- un patron propriétaire tout puissant, cas où les trois types de pouvoirs sont confondus,
- des actionnaires minoritaires et majoritaires réuni dans un organe de contrôle qui représente leurs intérêts,
- des actionnaires n’exerçant aucun rôle exécutif (fonds majoritaire, famille recrutant des dirigeants non familiaux),
- un pouvoir exécutif très fort avec un capital hyper dilué (CAC 40, mutuelles,)
- des pouvoirs totalement séparés, le conseil étant constitué uniquement d’administrateurs externes
Que peut-on dire de commun sur la participation dans tous ces cas de structure et d’équilibre des pouvoirs ?
Ce qui concerne la participation dans le travail quotidien étant traité ailleurs, on se limite ici à examiner la participation aux travaux de la gouvernance.
Remarquons tout d’abord que la volonté des dirigeants de développer la participation peut être en lui-même un des éléments constituants de la stratégie de l’entreprise. C’est le choix que font certaines entreprises, à l’instar de Leroy-Merlin. Dans ce cas, il appartient à la gouvernance de s’assurer du bon développement de la participation dans les processus de l’entreprise.
La gouvernance couvre quatre sujets : stratégie, traitement des dirigeants, chiffres (Business Plan, principaux indicateurs, budget, trésorerie…), conformité & compliance.
1. Dans le domaine de la stratégie, il est important de distinguer trois étapes :
- l’élaboration stratégique
- le choix de scenarios
- le suivi de la mise en œuvre
Le premier input de l’élaboration stratégique est la vision qui se construit en général entre un nombre très limité de personnes.
Si la synthèse de l’élaboration appartient au Comité de direction, elle a avantage à se nourrir des expertises, des talents et des expériences de tous pour deux raisons : l’abondance et la qualité du débat, et la motivation ultérieure de ceux qui auront participé. Si une telle démarche est un choix stratégique de l’entreprise, il appartient à la gouvernance de garantir son bon déroulement
Le choix de scenarios reste une responsabilité de l’actionnaire ou de ses représentants mandataires sociaux.
Pour ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre, au-delà des obligations réglementaires (Info CE, …), la ligne ne peut être maintenue que si elle fait l’objet d’une information régulière
2. Pour ce qui concerne l’élaboration et la communication des chiffres, qu’ils soient comptables, ou caractérisent des données sociales ou environnementales, on rencontre plusieurs types de comportement du management quant à l’implication des salariés :
- absence totale de communication, à l’exception du bulletin de paye
- information a posteriori sur les résultats
- budget construit et imposé par le management et information sur les résultats
- construction participative, « bottom-up », du budget ou des objectifs non financiers, et animation autour des résultats pour actions correctives
Pourtant, des indicateurs compréhensibles, incontestables et sur lequel il peuvent agir contribuent puissamment à la focalisation des efforts et aux résultats.
Le rôle du dirigeant est de veiller à ce que ces systèmes d’indicateurs soient installés partout, avec l’animation qui convient et que les objectifs soient cohérents entre eux et par rapport aux objectifs généraux de l’entreprise.
3. Concernant la conformité, seule la participation de tous permettra de réussir. En effet, il est impensable que quelqu’un puisse en maîtriser tous les aspects. C’est donc la vigilance de chacun pour sa part de responsabilité qui permet de garantir la compliance.
4. La question de la participation des salariés ne se pose pas pour le domaine du recrutement, de la nomination, de la révocation, de l’évaluation et de la rémunération des dirigeants : Ces questions relèvent de la responsabilité exclusive des actionnaires ou des administrateurs qui les représentent.
Faut-il mettre en place des Administrateurs salariés ?
Il ne sert à rien de débattre sur le nombre de salariés au CA tant qu’on n’a pas clarifié d’une part ce que la loi prévoit en ce qui concerne son rôle et sa responsabilité, d’autre part ce que les entreprises gagnent à avoir de bons administrateurs.
L’administrateur devrait par nature être indépendant car la loi prévoit qu’il représente tous les actionnaires et non les intérêts d’un groupe particulier d’actionnaires (majoritaire ou minoritaire), ou ceux d’une autre partie prenante, quand bien même il s’agirait des salariés. C’est malheureusement assez rarement le cas.
Si le législateur a prévu la suspension du contrat du travail du dirigeant salarié devenant administrateur, comment imaginer qu’il n’en aille pas de même pour le salarié : qui va s’opposer même avec raison à son dirigeant si son salaire est en jeu ?
Si le risque de conflit d’intérêt est le même en théorie que pour un administrateur qui serait nommé par un seul actionnaire, il se double dans le cas du salarié d’un risque lié à l’existence en parallèle d’une relation hiérarchique issue du contrat de travail, qui nuit inévitablement à l’efficience de l’action du salarié en tant qu’administrateur.
Ainsi, l’administrateur salarié risque fort d’être condamné à un rôle de « super-délégué du personnel ». A quoi servent alors les représentants (obligatoires) du CE au Conseil d’administration ou de surveillance ?
La loi impose par ailleurs à l’administrateur d’être compétent. On commence à voir apparaître dans la jurisprudence des condamnations d’administrateurs pour « incompétence. » Si la formation peut en partie compenser ce manque, quelqu’un qui aurait tous les talents pour devenir dirigeant ou administrateur le sera devenu ; le risque est donc grand de se trouver face soit à l’incompétence, soit à la frustration.
En conclusion, si l’objectif poursuivi de faire mieux participer les salariés aux prises de décision dans l’entreprise est juste, on peut s’interroger sur l’efficacité réelle du cadre légal actuel.
Les nouvelles formes d’économie participative sont-elles une solution de gouvernance ?
Scop : bien qu’anciennes, elles reviennent à la mode dans le discours de certains milieux.
Que constate-t-on dans la réalité ? Au départ, il s’agit bien pour tous les salariés de participer au sens propre, en achetant des parts et en devenant actionnaire. L’expérience révèle que le conflit Intérieur entre « intérêt du salarié » et « intérêt de l’actionnaire » est difficile à gérer pour la plupart des personnes. Dans les faits, la plupart du temps la SCOP ne fonctionne harmonieusement que si les affaires vont bien et que le DG maîtrise à la fois les opérations et la politique interne.
Mais la participation effective, au sens où l’entend la PSC, est-elle en pratique plus importante dans les SCOP que dans les autres entreprises ? Nous ne le croyons pas : la participation effective, comme la mise en œuvre concrète de la subsidiarité, dépend avant tout de la volonté des dirigeants et de la qualité de leur management, même dans les SCOP.
Source : Cahier des EDC Le principe de participation