Extrait du cahier des EDC : La dignité au cœur de l’entreprise
La dignité de la personne au cœur de la pratique du dirigeant
L’infinie dignité de tout homme conduit à mettre l’amour fraternel au cœur de toute la vie sociale. Du respect de la vie du plus petit aux relations internationales, il n’y a pas de champ de la vie des hommes qui ne soit appelé à être transformé par cette vision de la personne humaine.
C’est un appel à la conversion du chef d’entreprise dans ses rapports avec les autres, dans la place de la prière dans son propre travail et dans l’équilibre entre son travail et sa vie familiale.
« Demander au Christ qu’il nous aide à regarder les autres comme lui les regarde. »
3.1.1 Nous convertir dans nos rapports aux autres
C’est une exigence spirituelle. Changer son regard sur les autres, c’est demander au Christ qu’il nous aide à regarder les autres comme lui les regarde. C’est porter sur chacun de nos prochains un regard de vérité : regarder l’homme pour ce qu’il est en devenir, c’est-à-dire une transfiguration, et non pour ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire la seule
manifestation de ses erreurs, de ses faiblesses ou de ses handicaps.
Ce regard juste et bienveillant est une source de force pour tous. Comme l’a écrit Benoît XVI : « L’amour dans la vérité (Caritas in Veritate), dont Jésus s’est fait le témoin dans sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa résurrection, est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. »[1]
a/ Avoir un regard bienveillant
Si certains portent naturellement sur les autres un regard juste et bienveillant, d’autres ont besoin de travailler sur eux-mêmes pour développer cette posture dans un vrai processus de conversion.
Comme le montre Jacques Lecomte dans son livre Les entreprises humanistes[2], regarder chacun avec bienveillance est non seulement une question de justice, voire de charité, mais c’est aussi une question d’efficacité.
En effet, plus on attend le meilleur de soi et des autres, plus ce meilleur a des chances de s’exprimer. Les études convergent pour montrer que la motivation des collaborateurs est liée à la considération que leur porte leur manager et à la reconnaissance sincère qu’il leur exprime. [3]
L’effet dit « pygmalion » [4] explique également « la force » du regard bienveillant : ce que nous pensons d’une personne commande notre attitude vis-à-vis de cette personne qui va tendre à s’y conformer et agir de la façon dont nous la voyons.
Questions :
- Naturellement, quel est mon regard sur les autres ? Sur ce qu’ils font ? Positif ? Négatif ? A quoi suis-je particulièrement attentif ?
- Ai-je le même regard sur mes collaborateurs ? mes clients ? mes fournisseurs ? mes banquiers ? mes actionnaires ? mes administrateurs ?
b/ Demander à Dieu de nous aider
Il y a au moins deux types de situations dans lesquelles nous pouvons ressentir le besoin de nous appuyer sur Dieu. Le premier survient quand, dans la conduite de nos projets, nous ressentons un écart entre ce que nous voulons et ce que Dieu attend de nous, le second lorsque les relations que nous avons avec les autres sortent des critères de la charité.
Concernant nos projets, saint Benoît recommande dans sa règle : « D’abord, en toute oeuvre bonne que tu entreprends, commence par lui demander dans une prière très instante qu’il la mène à bien »[5]. Comment demander au Seigneur qu’il mène à bien quelque chose qui ne serait pas bon, c’est-à-dire conforme à sa volonté ? La prière sincère vécue comme une écoute va jouer un rôle purificateur en passant nos projets au crible ; un écart dans les buts ou les moyens avec la prise en compte de la dignité de tout homme (collaborateur, client, fournisseur, banquier) nous apparaîtra comme évident dans une prière sincère éclairée par la parole de Dieu et l’exemple de Jésus Christ.
En effet, en priant le Notre Père avec Jésus, ne demandons-nous pas à Dieu de recevoir l’Esprit pour que sa volonté soit faite (en nous) et que son règne vienne ?
« Commence par lui demander dans une prière très instante qu’il la mène à bien. »
Concernant nos relations avec les autres, dans bien des situations nous sommes tentés par la domination, l’exclusion ou la manipulation. Par exemple, lorsqu’un délégué syndical s’oppose systématiquement à tout ce que nous lui proposons, ou quand un de nos collaborateurs pour la cinquantième fois commet la même maladresse, ou qu’un contrôleur fiscal s’acharne sur des détails, ou enfin qu’un administrateur critique devant le conseil d’administration une de nos propositions, alors qu’il connaît à peine le dossier… Chacun pourra identifier de telles situations. Des moments où Jésus nous dit « Eh bien ! Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux »[6]. La prière va nous aider à souhaiter du bien pour notre ennemi d’un moment et nous rendre créatifs, pour trouver le chemin du dialogue, voire de la réconciliation. (voir le témoignage de Gérard Lacour page 77).
Vient immédiatement l’objection : tout cela n’est pas la vraie vie ! C’est bon pour les moines et les saints ! Moi, je dirige une entreprise, je suis un réaliste ! Oui, prier pour son adversaire est un acte de foi. Il est impossible sans la certitude que Jésus prie avec nous. Dans nos emplois du temps surchargés rappelons-nous que cela nous est donné et qu’Il nous envoie son Esprit.
Relisons donc quelques versets de la prière de Jésus au chapitre 17 de Saint Jean : « Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés (…). Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un. (…). Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du Mauvais. (…). Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde. Consacre-les par la vérité: ta parole est vérité. »
Comme nous devons nous souvenir assez souvent de ce don qui nous est fait, saint Benoît recommande : « la prière doit être brève et pure, sauf le cas où elle se prolongerait sous l’effet d’un sentiment inspiré par la grâce divine »[7]. Bref, il nous faut demander brièvement, mais sans cesse, à Dieu dans la prière de changer notre regard sur les autres, pour rester respectueux de leur dignité de personne.[8]
Questions :
- Comment est-ce que je confronte mes projets à la volonté de Dieu dans une prière silencieuse sincère ?
- Comment est-ce que je prie pour mes amis et mes ennemis ?