Ce que nous disent les encycliques du bien commun et de la personne
Dans l’Encyclique Mit Brennender Sorge en 1937, le pape Pie XI rappelle avec force le fondement du bien commun, que les pouvoirs publics ne sauraient s’arroger : « … le véritable bien commun est déterminé et reconnu, en dernière analyse, par la nature de l’homme, qui équilibre harmonieusement droits personnels et obligations sociales, et par le but de la société, déterminé aussi par cette même nature humaine… Chacun, donnant et recevant tour à tour, doit faire valoir pour son bien et celui des autres...».
Dans Gaudium et Spes en 1965, le concile Vatican II affirme également cette vocation de l’homme : « Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines » (GS 11.1).
L’existence d’une réalité de fond commune à tous les êtres humains
Ce que reprendra Jean Paul II à de nombreuses reprises, pour rappeler l’importance de la nature de l’homme et de son respect : « L’expérience quotidienne met en évidence l’existence d’une réalité de fond commune à tous les êtres humains, grâce à laquelle ils peuvent se reconnaître comme tels. Il est nécessaire de faire toujours référence « à la nature propre et originale de l’homme, à la « nature de la personne humaine », qui est la personne elle-même dans l’unité de l’âme et du corps, dans l’unité de ses inclinations d’ordre spirituel ou biologique et de tous les autres caractères spécifiques nécessaires à la poursuite de sa fin » (Veritatis splendor, n. 50; cf. aussi Gaudium et spes, n.14).
La dignité de la personne humaine dès sa conception
Cette nature particulière est le fondement des droits de tout être humain, qui a une dignité de personne dès le moment de sa conception. Cette dignité objective, qui a son origine en Dieu Créateur, est fondée sur la spiritualité qui est celle de l’âme, mais s’étend également à sa corporéité, qui en est la composante essentielle. Personne ne peut la lui enlever, au contraire, chacun doit la respecter en soi-même et dans les autres. C’est une dignité égale chez chacun et qui demeure totale à toutes les étapes de la vie humaine individuelle.
La reconnaissance d’une telle dignité naturelle est le fondement de l’ordre social, comme nous le rappelle le Concile Vatican II: « Au surplus, en dépit de légitimes différences entre les hommes, l’égale dignité des personnes exige que l’on parvienne à des conditions de vie justes et plus humaines » (Gaudium et spes, n. 29)[1]
En 1961 Mater et Magistra de Jean XXIII donne une première définition du bien commun. Le bien de chacun et le bien de la communauté au plan matériel et social consistent à rechercher ensemble « l’ensemble des conditions sociales qui permettent et favorisent dans les hommes le développement intégral de leur personnalité »[2] . Cette définition centrée sur le « développement intégral » des personnes sera complétée par l’objectif de perfection du groupe par le Concile Vatican II. Jean XXIIl insiste déjà sur le rôle des corps intermédiaires et initiatives sociales diverses, autonomes des pouvoirs publics, pour réaliser la « socialisation » et la perfection de chacun, chaque personne isolée ayant plus de mal à y parvenir[3].
C’est cette vision participative que décrit aussi Karol Wojtyla : « Nous considérons le bien commun avant tout comme un principe d’une participation correcte, une participation en vue de laquelle la personne, agissant en commun avec d’autres, peut accomplir des actes authentiques, et, à travers ces actes, s’accomplir elle-même ».
Contrairement à la conception « sacrificielle » encore très répandue depuis l’Antiquité, le bien commun est un chemin du bonheur pour autrui et pour soi. En effet l’artisan du bien commun construit non seulement les conditions du bonheur d’autrui, mais ce faisant également le sien, selon la parole évangélique : « Qui veut garder sa vie la perdra, qui la donne avec moi la trouvera ».
[1] Discours du Pape Jean Paul II aux participants à la VIIIème Assemblée Générale de l’Académie Pontificale pour la Vie, 27 février 2002
[2] Mater et Magistra, 1961, Jean XXIII – § 65
[3] Il s’agit bien ici d’un objectif social, qui fonctionne bien en France grâce aux nombreuses associations, mais qui est mieux intégré encore aux Etats-Unis, où selon Tocqueville chacun se sent responsable des autres et prend en charge spontanément le bien commun, là où en France on en appellerait à l’Etat… Ainsi pour Emmanuel Mounier, fondateur de la revue Esprit, la construction de la cité s’oriente à la fois vers « le bien de la vie personnelle des autres et la dignité de sa propre personne ». L’homme de bien est responsable du bien commun de tous.