Article de la revue

« La coopération, clé de la réussite en entreprise »

Publié le 01/07/2018

A la tête du Domaine des Ormes, complexe touristique en Bretagne, avec son frère et sa sœur depuis 2001, Séverine du Jonchay est en charge de la direction financière. Cette entreprise familiale, lancée par ses parents en 1977, fut d’abord un simple camping de 50 places. Aujourd’hui, le Domaine des Ormes est le plus grand hébergeur de l’Ouest, avec 300 000 nuitées par an pour un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros.

L’entreprise emploie 80 personnes en CDI et 200 saisonniers pour une trentaine de métiers, un véritable village que Séverine du Jonchay et sa famille encadrent avec soin, en s’appuyant notamment sur la pensée sociale chrétienne, qu’elle a découverte à son entrée dans l’équipe EDC Saint-Jean- Paul II, à Saint-Malo, en 2001.

Domaine des Ormes : une histoire familiale

Séverine du Jonchay, dirigeante du Domaine des Ormes témoigne

C’est par une matinée ensoleillée, à une trentaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel, au cœur du Domaine des Ormes, au pied du château en granit, ancienne demeure des évêques de Dol-de-Bretagne, que Séverine du Jonchay nous reçoit. « Le lieu est dans ma famille depuis les années 1860», explique la dirigeante de 49 ans. Si elle a grandi ici, le site a beaucoup évolué depuis 1977, année du lancement du premier camping. « Mes parents étaient exploitants agricoles, et il y avait ici 90 vaches laitières, une salle de traite… Mon père a tout chamboulé en quelques mois pour se consacrer à un métier qu’il ne connaissait pas : le tourisme. »

Le couple revend matériel et cheptel pour acheter d’occasion du mobilier et du matériel, mais aussi pour financer le bloc sanitaire du nouveau camping, qui attire rapidement une clientèle anglaise. Au fil des années, le domaine s’agrandit: golf, centre équestre, parc aquatique, hôtel trois étoiles, parcours aventure, logements atypiques comme des cabanes dans les arbres… « Depuis toujours, l’ensemble des bénéfices est réinvesti pour développer le site, afin de proposer des nouveautés à nos clients et d’améliorer la qualité d’accueil… Nous n’avons jamais distribué de dividendes, et l’entreprise, malgré sa taille actuelle, reste 100% familiale. » Nouveau chantier, prévu pour la saison prochaine : le dôme aquatique, pour permettre aux vacanciers de se baigner dans une eau à 28°C toute l’année. Un gros défi pour la structure, avec un investissement de près de 6 millions d’euros, soit la moitié du chiffre d’affaires annuel !

Un retour aux racines pour Séverine du Jonchay

Séverine du Jonchay est en charge du dossier de financement, et le projet lui a donné quelques sueurs froides. Mais, comme son père avant elle, l’intuition est là: «Nous ne sommes pas calculateurs, mais plutôt des opportunistes pragmatiques, le business n’est pas la priorité ! Nous avons la chance d’avoir pour cadre un environnement privilégié, en pleine nature, c’est important pour nos clients, mais aussi pour nous et nos employés ! »

Si cette mère de quatre enfants travaille là où elle a grandi, c’est un peu par hasard. Après des études à l’European business school (EBS), école de commerce entre Paris, Londres et Francfort, elle se spécialise dans la gestion et la finance, avant d’intégrer la Compagnie fiduciaire franco-allemande pour faire de l’audit. Elle enchaîne ensuite les postes de directrice financière, à Lyon (pour le groupe Distriborg) et à Paris (au sein d’une start-up dans les télécoms). En 2000, son époux est muté à Rennes et Séverine du Jonchay en profite pour rejoindre l’entreprise familiale, aux côtés de ses parents et de son frère Arnaud, puis de sa sœur Sonia. « C’était un signe, sans savoir à l’époque que je serai encore là vingt ans plus tard. Mon mari travaillait alors dans l’automobile, et nous pensions rester dans la région moins de cinq ans. Finalement, il a rejoint le secteur du tourisme également, et nous sommes restés… »

Témoignage : La rencontre de Séverine du Jonchay avec les EDC

C’est à ce moment-là que Séverine du Jonchay entend parler des EDC pour la première fois, lors de sa rencontre avec Christophe Blanchy, un banquier membre du mouvement. « Je recherchais un cadre pour sortir un peu de cet univers familial et prendre du recul. Je trouvais intéressant d ’avoir un contact extérieur, une respiration pour pouvoir partager ce que je vivais. Les EDC m’ont aidée à réconcilier famille, foi et travail, et à trouver un équilibre. » Son engagement lui permet de découvrir la pensée sociale chrétienne (PSC), qu’elle approfondit petit à petit grâce aux réunions en équipe, aux textes des EDC, mais aussi lors des Assises, à travers les témoignages qu’elle entend.

Décloisonner sa vie

C’est à ce moment que Séverine du Jonchay se rend compte que son expérience parisienne l’a changée: «En revenant travailler ici, je me suis rendu compte que ma vie était très compartimentée. J’avais ma vie privée, ma vie professionnelle et ma foi le dimanche. Ici, l’aspect familial mélange tout. » Pourtant, la dirigeante s’interdit de mettre des photos de ses enfants dans son bureau, car elle estime que ce n’est ni sérieux ni professionnel, une exigence qu’elle impose aussi à ses collaborateurs : « J’ai travaillé pour la filiale d’un grand groupe anglais et quand la maison-mère débarquait dans les bureaux, la direction nous demandait d’enlever cadres et écrans de veille sur les ordinateurs avec nos photos personnelles… Cela m’avait frappée, mais j’étais devenue un peu comme cela… »

« Fini les réunions où seul le responsable parle : aujourd’hui, tout le monde participe et partage ses idées, à travers notamment des cercles de parole. »

Elle se rend compte que les barrières entre vie privée et professionnelle sont poreuses : « Si votre collaborateur a une sale tête le matin, ce n’est pas qu’il n’a pas envie de venir travailler, c’est qu’il peut avoir un problème et qu’il a peut-être besoin de parler. Aujourd’hui, je suis vigilante au facteur humain et le travail réalisé avec les EDC m’éclaire. » C’est à la suite de l’une de ces réflexions que Séverine du Jonchay a suivi, il y a deux ans, une formation sur le travail coopératif en entreprise. Fini les réunions où seul le responsable parle : aujourd’hui, tout le monde participe et partage ses idées, à travers notamment des cercles de parole. « Cela permet de mettre la dimension globale de la personne au centre de l’entreprise, et aux salariés de se sentir reconnus et entendus. »

Séverine du Jonchay ne parle pas explicitement de la PSC dans l’entreprise, mais elle est persuadée que ce travail coopératif a un lien direct avec elle : « C’est davantage par mon comportement quotidien que je fais passer mes valeurs. » C’est pourquoi, l’an dernier, à l’occasion des 40 ans du Domaine, en plus du tournoi de golf, du concours d’attelage et du spectacle de son et lumière, destiné aux clients, une messe d’action de grâce a fait partie des festivités, et une quarantaine de jeunes de la fondation Action Enfance, placés en foyers ou en familles d’accueil, ont été accueillis pour quelques jours de vacances.

Gautier Demouveaux