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Grand Débat National – fiche points de repères #1 Nos impôts, nos dépenses et l’action publique

Publié le 06/03/2019

Pour continuer de contribuer au Grand Débat National et répondre aux questions posées aux EDC sur notre communauté dans l’appli smartphone ( -> pour la rejoindre, visitez notre page), Anne Duthilleul, membre de la commission Repères des EDC, propose une contribution autour d’un thème essentiel: impôts, dépenses et action publique.

 

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En tant qu’Entrepreneurs et Dirigeants chrétiens, nous souhaitons orienter l’action proposée vers une écologie intégrale, c’est-à-dire la prise en compte simultanément des quatre volets suivants pour chaque sujet abordé :

  • économique, au sens de la création de richesses et de leur répartition juste,
  • social, au sens des relations entre les hommes et de l’aspect collectif des dispositifs,
  • environnemental, au sens de la préservation des ressources de la planète et de la vie,
  • humain, en termes de gouvernance et de place de l’homme, au sens de la subsidiarité et de la participation de chacun à ce qui nous concerne tous.

Comment se posent ces questions à propos de la Fiscalité, mais aussi des Revenus, des Services publics et Prestations sociales résultant de l’action publique ?

La complexité de nos systèmes fiscaux et sociaux est devenue telle qu’il est bien difficile de piloter une action déterminée : les mesures prises en décembre 2018 à la suite des annonces du Président de la République ne sont ainsi pas parvenues à toucher tous les publics concernés.

Paradoxalement, en effet, les plus pauvres des ménages sont jugés perdants sur les mesures de fin 2018 à hauteur de 30 à 50% d’entre eux selon les « vingtiles » de revenus les plus bas, alors que seuls 10 à 30% des plus aisés sont dans ce cas. En effet, pour les petites retraites ou les minima sociaux, la hausse de la CSG et la baisse de l’APL n’a été compensée ni par la baisse de la taxe d’habitation (déjà exonérés) ni par la prime d’activité (ne la perçoivent pas) ni par aucune mesure fiscale (exemptés d’IRPP) ni par les primes exceptionnelles de fin d’année (n’en reçoivent pas) ni par l’indexation de leurs revenus (non effective pour les minima sociaux).

Par ailleurs, les plus hauts revenus continuent à sortir de France au gré d’un exil fiscal que la suppression de l’ISF n’a pas ralenti, l’IFI et le niveau général des prélèvements obligatoires étant déjà excessifs (la France est en tête du classement de l’OCDE sur les impôts et taxes). Notre économie souffre de ce fardeau élevé, devenant de moins en moins efficace même dans la collecte de recettes publiques, au rendement décroissant.

Enfin, sur le plan de l’action publique, il semble que la multiplication des contrôles, du fait d’un état d’esprit de défiance a priori, freine souvent les initiatives (apprentissage, commerces, PME et TPE…).


Au plan économique, Il est urgent de renverser cette tendance à la hausse constante des impôts et taxes. Un pari de type « Reaganien » serait seul de nature à renverser efficacement cette tendance. Une étude faite en 2007 sur la TVA dite « sociale » montrait que la baisse des cotisations sociales compensée a posteriori seulement par une hausse (moindre) de TVA était créatrice de richesses et d’emplois. Il est, en outre, reconnu que toute hausse de prélèvements obligatoires sur l’économie détruit des emplois et augmente le chômage, tout comme la hausse du SMIC va à l’encontre de la création d’emplois solvables pour les moins qualifiés.

      • Il est proposé de baisser tout de suite certains prélèvements sur l’économie pour augmenter la production de richesses et d’emplois en France, permettant de retrouver ensuite des recettes durables, comme l’Allemagne l’a fait dans les années 2000.L’autre aspect de la question concerne les dépenses publiques, qui doivent impérativement baisser en parallèle, voire plus rapidement pour rétablir un équilibre budgétaire durable, en ne dépensant pas en fonctionnement plus que les impôts ne couvrent. A noter que les différentes « niches fiscales » (réductions ou crédits d’impôts) peuvent être considérées comme des dépenses en vue d’une politique donnée (logement ou activités productives Outre-mer, famille, emplois à domicile, forfait sur les revenus mobiliers, intéressement et participation…). Mais les réduire purement et simplement conduirait à abandonner ces politiques en augmentant les impôts, au contraire, sans diminuer les dépenses publiques pour autant.
      • La règle d’or (pas de dépenses de fonctionnement excédant les recettes) serait à inscrire dans les textes budgétaires.
      • Seuls les investissements rentables peuvent permettre d’emprunter (recherche, modernisation, infrastructures…), s’ils doivent être réalisés par l’Etat, ce qui doit être évalué au cas par cas.

Il faut donc apprécier ce qui relève de l’Etat et du secteur concurrentiel pour alléger le poids du secteur public : par exemple, faut-il plusieurs chaînes d’information publiques à l’heure d’Internet ? Quelles participations dans des entreprises relèvent d’un point de vue stratégique ? Comment mutualiser les activités rentables et celles qui sont soutenues par l’Etat… Et l’organiser de façon efficace, des rapports rappelant régulièrement que le nombre de fonctionnaires excède de 500 000 environ les besoins réels (depuis J. Choussat le premier en 1997). Exemple : la multiplication des organes de contrôle est un phénomène trop répandu.

      • Un débat sur le rôle, l’étendue et l’organisation de la Fonction publique de l’Etat et des Collectivités locales[1] serait indispensable pour fixer les priorités tant des fonctionnaires en place, à réorienter le cas échéant, que des recrutements à venir.

Au plan social, la redistribution en France est une des plus efficaces et a permis d’amortir les crises successives, notamment celle de 2008. Mais elle ne peut fonctionner que sur une base économique dynamique, ce qui n’a pas été suffisant depuis 2008 pour retrouver des niveaux de revenus équivalents, comme le montrent des rapports récents. Retrouver cette fonction de protection sociale contre les aléas de la vie est essentiel, mais cela passe par une simplification des dispositifs de façon à les rendre plus justes et plus efficaces[2], tout en en maîtrisant les coûts.

      • Chaque personne a droit à une dignité égale : cela doit se traduire par une harmonisation des droits (soins, toit et revenu de solidarité), de façon à ne pas avoir à se préoccuper de la « case » dans laquelle se range chacun des demandeurs, mais en considérant ses besoins immédiats et leur durée.
      • Pour une plus grande justice, qui ne signifie pas un égalitarisme forcé, faire davantage relativement pour les personnes les plus démunies, par exemple en les accompagnant plus que les autres, en traitant plus rapidement les dossiers les plus simples.
      • Maintenir un principe d’universalité, pour les publics pris en compte (Français ou étrangers résidants) comme pour les prestations servies qui devraient se fonder sur le même niveau minimum (retraites, AAH, RSA, famille, etc.).
      • Pour la contribution de tous, une idée pourrait être de prendre en considération les engagements bénévoles, qui pourraient être reconnus par des droits futurs, car ils contribuent d’ores-et-déjà aux prestations fournies à moindre coût, et ce sans pour autant les « marchandiser ». Contribuer chacun selon ses moyens est un objectif conforme aux principes républicains. L’expérimentation « Zéro Chômeur de Longue Durée » en cours sur 10 territoires est une tentative pour donner cette chance à tous.
      • Pour des prestations de qualité, entrer dans une logique de confiance et non de contrôle a priori, tout en travaillant de façon collaborative avec les partenaires, associations ou entreprises du secteur ESS ou privées, serait sans doute aussi un facteur de simplification.
      • Pour une soutenabilité des prestations sociales, il s’agit de développer une politique de prévention et l’étude des multiples interactions entre les aspects de santé, activités, revenus, prestations de service, accompagnement, éducation… Leur meilleure prise en compte en amont serait plus efficace : mieux vaut prévenir que guérir !
      • Enfin pour un principe de démocratie plus active, la discussion ouverte des enjeux et des objectifs de la protection sociale, ainsi que l’éducation à sa bonne mise en œuvre au bénéfice de ceux qui en ont besoin dans les différents temps de la vie, pourraient aider à maîtriser ses modes d’administration et ses coûts en responsabilisant chacun.

 Au plan écologique, la crise actuelle montre que les questions environnementales ou le changement climatique passent au dernier plan des préoccupations lorsque les revenus sont insuffisants ou incertains et que les espoirs concrets d’amélioration manquent. L’ensemble des propositions formulées pour redynamiser l’économie et assurer durablement l’avenir de la protection sociale va donc dans le sens de permettre des efforts sur l’aspect écologique dans un second temps. C’est ce que le pape François exprimait dans son encyclique Laudato Si’ : « tout est lié », « la clameur de la terre et la clameur des pauvres ».

Certaines mesures peuvent ainsi apporter un « double dividende », tant au plan national que local :

      • Pour orienter la consommation vers les produits locaux français, leur donner davantage de compétitivité relative sur les prix, et ce faisant soutenir l’emploi, tout en limitant les émissions de Gaz à effet de serre dans le monde, on peut imaginer, par exemple, baisser la TVA sur les produits courants produits en France contre une hausse de taxe Carbone sur les transports et l’importation de produits d’origine de pays plus « carbonés ».
      • Travailler à des expérimentations concrètes, locales, de réduction de consommation d’énergie et/ou de combustibles fossiles peut donner une reconnaissance aux personnes et un vrai appoint de revenu disponible aux plus démunis. La part de Certificats d’économies d’énergie destinée aux ménages en précarité énergétique peut y trouver un bon terrain d’application, à condition d’être suffisamment accessibles (information) et proches du terrain.

Au plan humain et de la gouvernance, deux principes peuvent être évoqués pour remettre le débat dans un cadre qui réponde aux attentes. Ils supposent une conversion des organes d’information vers davantage de pédagogie objective sur les affaires publiques, en évitant de tout tourner en dérision ou en sujet de polémique, afin de :

      • Améliorer la participation active de chaque citoyen majeur aux décisions qui l’intéressent, pas systématiquement par référendum sur toute question, mais d’abord par des présentations claires et argumentées a priori sur les sujets d’actualité et, en conséquence, la possibilité de voter pour des candidats qui suivront leur programme, s’il est suffisamment détaillé pour pouvoir en rendre compte. Aucun changement institutionnel n’est nécessaire pour cela, mais une meilleure connaissance développerait la liberté de chacun et la participation qui en découle ;
      • Renforcer la solidarité entre les membres de la société, pour une meilleure cohésion sociale, en faisant prendre conscience de ce que chacun apporte et reçoit, au plan des impôts et des services publics, des cotisations et des prestations sociales, mais aussi de la liberté et de la sécurité dont il peut jouir en paix, grâce au cadre collectif national et européen.
[1] Les hôpitaux relèvent quant à eux de la logique des prestations sociales, qui est traitée plus loin.

[2] Propositions reprises en grande partie de la consultation menée par le Secours catholique dans le cadre du Collectif pour une protection sociale solidaire, publication de « Sept principes pour une protection sociale solidaire » de juin 2018, qui recommande la refondation de la « maison commune de la protection sociale ».