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Fiche Points de Repères sur l’Europe

Publié le 19/12/2018

Propositions débattues en Commission Repères le 14 décembre 2018 en vue d’une signature par les associations membres de l’UNIAPAC Europe.

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Dans la perspective des prochaines élections au Parlement européen, qui vont également conditionner la composition de la Commission européenne pour les 5 ans à venir, nous souhaitons formuler des analyses et des propositions pour nourrir un débat sur les enjeux de ces échéances politiques pour l’avenir de nos économies et de notre modèle social.

1/- Analyse de la situation : l’Europe aujourd’hui affaiblie

L’Europe a été fondée d’abord sur une base d’échanges économiques courageux, la Communauté du charbon et de l’acier entre la France et l’Allemagne quelques années après la fin de la guerre de 1945. Elle se voulait une amitié entre les peuples assurant une paix durable à travers des réalisations économiques et sociales communes[1]. Ainsi la politique agricole a-t-elle été mise en commun, ainsi que d’autres secteurs, pour mettre l’Europe en mesure de nourrir ses habitants et de se développer rapidement. Les « 30 Glorieuses » en ont été le fruit en Europe occidentale.

  • Sur le plan social, le modèle européen d’après-guerre est entièrement refondé sur des droits nouveaux et une logique redistributive pour les salariés ou retraités. Il met en particulier l’accent sur les pensions pour tous, la Sécurité sociale face aux risques de maladie, maternité, accident du travail et chômage. En Europe, la circulation des biens, des services et des personnes s’étend progressivement, avec les élargissements successifs.

Mais force est de constater aujourd’hui l’essoufflement de ce modèle social, face à la montée du chômage, au vieillissement de la population, à la baisse de la natalité et aux progrès – bénéfiques pour le plus grand nombre – dans le secteur de la santé.

  • Au plan économique, l’Europe atteint aujourd’hui ses limites également : les excès de la politique de libre concurrence ont entravé la constitution de champions européens de l’industrie et des services, l’ouverture aux échanges mondiaux a provoqué la délocalisation d’activités dans des pays à bas coûts et les réformes de la politique agricole commune ne permettent plus d’exporter comme avant, ni de rémunérer les agriculteurs par le fruit de leur travail. Les écarts de fiscalité entre Etats-membres créent par ailleurs des déséquilibres internes à l’Europe qui sont mal acceptés par nos concitoyens.
  • Au plan politique, l’Europe peine à se constituer comme un niveau crédible sur la scène internationale, en matière de diplomatie, de défense ou de développement durable. Or les défis sont nombreux et seule une vraie cohésion européenne pourrait peser face au poids des super-puissances que sont les Etats-Unis, la Russie et aujourd’hui la Chine.

2/- Quelques réflexions pour redonner du souffle à l’Europe :

« L’unité dans la diversité »[2] qui est la devise européenne doit retrouver tout son sens :

  •   l’unité ne sera véritable que si tous les Etats-membres partagent une même vision des objectifs européens et prennent ensemble les moyens d’y parvenir,
  •   la diversité ne sera respectée que si chacun des Etats peut avoir suffisamment de marges de manœuvre pour construire son propre modèle économique, social et politique, dans la subsidiarité qui est au fondement de la constitution européenne.

Les réalisations concrètes de l’Europe dans la vie quotidienne des européens ne se voient pas suffisamment pour emporter l’adhésion. Or elles sont nombreuses, mais mal connues et souvent vues négativement, lorsque les Gouvernements les présentent comme des contraintes. La première tâche est de montrer et de démontrer l’utilité positive de l’Europe dans la vie de nos concitoyens : liberté de circulation, monnaie largement partagée, échanges économiques sans taxation aux frontières, régimes sociaux respectés dans chaque pays d’accueil pour les travailleurs, échanges d’étudiants ERASMUS, etc.

Mais aussi les manques ou les excès d’Europe doivent être démontés :

  • les manques d’harmonisation fiscale, récemment débattus en vain, qui font perdre aux Etats-membres des recettes importantes d’entreprises extérieures à l’Europe, notamment les GAFAM, au nom d’une souveraineté mal employée par certains Etats ;
  • les excès de contraintes normatives ou de concurrence pure et dure, qui empêchent la constitution de champions européens, comme AIRBUS, contre-exemple souvent cité de la réussite d’une alliance européenne, ou dans un cadre un peu différent, sur la base du volontariat, ARIANE et les programmes spatiaux européens.

Les exemples de réussites européennes sont le plus souvent le fait de grands projets techniques ou industriels, tant il est vrai que, comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry, « Force-les de bâtir ensemble une tour, et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain ».

Or qui est le mieux placé pour insuffler cet esprit de projets concrets en Europe, si ce n’est les chefs d’entreprises ? C’est pourquoi on peut affirmer que leur tâche est « noble » mais aussi indispensable aujourd’hui sur la scène européenne.

3/- Propositions des entrepreneurs et dirigeants chrétiens européens :

  • Nous voulons rappeler en premier lieu la Dignité des personnes et leur liberté fondamentale. Seule une Europe reposant sur ces bases anthropologiques et philosophiques sera durable. A ce titre, nous appelons à un soutien de la famille comme cellule de base de nos sociétés et à l’inclusion par le travail de notre jeunesse, fondement de notre avenir commun en Europe.
  • En second lieu, nous voulons affirmer notre détermination, comme chefs d’entreprises européens, de contribuer à un Développement économique et social durable également. A cette fin, nous souhaitons que la responsabilité l’emporte sur l’assistanat, que l’unité l’emporte sur les divisions et que la coopération l’emporte sur la concurrence entre Européens, afin de mettre l’Europe en mesure de défendre ses intérêts au plan mondial.
  • En troisième lieu, nous voulons rappeler la nécessité de la Participation de tous les citoyens à la construction d’un nouveau modèle de Bien commun européen inclusif et mettant en œuvre à la fois la Subsidiarité et une véritable Solidarité européenne. A cet effet, la présentation de projets européens cohérents, soutenables, lisibles et clairs des candidats aux prochaines élections européennes et leur discussion démocratique sont indispensables.
  • Enfin, nous n’oublions pas les responsabilités historiques de l’Europe[3] envers les autres parties du monde, et notamment les pays en développement[4], et voulons que l’Europe s’engage à servir les progrès et le développement humains, économiques, sociaux et environnementaux de ces pays par une politique de coopération commune plus forte. C’est alors qu’elle pourra intégrer les migrants qui souhaitent s’installer durablement en Europe dans des conditions dignes de leur humanité et de leurs compétences.

Ainsi, l’Europe pourra mobiliser ses forces pour un développement humain intégral et une culture vivante et partagée, forte de ses racines chrétiennes[5], de ses traditions séculaires et de sa créativité, unie dans la diversité.

 [1] Voir la Déclaration de Robert Schuman sur la construction de l’Europe (1950) : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Dans ce but, le gouvernement français propose immédiatement l'action sur un point limité mais décisif. Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe ».
 [2] « In varietate concordia » : d'après la Commission européenne, « cette devise signifie que, au travers de l'Union européenne, les Européens unissent leurs efforts en faveur de la paix et de la prospérité, et que les nombreuses cultures, traditions et langues différentes que compte l'Europe constituent un atout pour le continent ».
 [3] Benoît XVI, Interview sur l’influence culturelle de l’Europe : « Seule une raison qui possède une identité historique et morale peut aussi dialoguer avec les autres, chercher une interculturalité dans laquelle tous peuvent entrer et trouver une unité fondamentale des valeurs qui peuvent ouvrir la voie à l’avenir, à un nouvel humanisme, qui doit être notre objectif. Et pour nous, cet humanisme grandit précisément à partir de la grande idée de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu ».
 [4] Albert Schweitzer, in La civilisation et l’éthique : « Ah ! la belle civilisation qui sait parler en termes si édifiants de dignité humaine et de droits de l'homme et qui en même temps bafoue et foule aux pieds la dignité humaine et les droits de l'homme chez des millions d'êtres, dont le seul tort est de vivre au-delà des mers, d'avoir une autre couleur de peau et de ne pas pouvoir se tirer d'affaire tout seuls. »
 [5] Le premier réseau européen était celui des monastères, où les clercs « cherchaient Dieu » dans leur travail.