Actualité des EDC

Fiche Points de Repères sur la justice sociale

Publié le 11/09/2019

Téléchargez ici la fiche Points de repères « la justice sociale »

A l’issue de la discussion en Commission Repères du 22 mars 2019, la présente fiche a été établie afin de partager à tous les questionnements des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens sur ce sujet.

1/- Rappel du contexte

Les événements de cet hiver, dont on peut prévoir qu’ils ne sont pas terminés, font apparaitre une grande urgence sociale avec une demande de réponse par rapport à la question du niveau de vie mais aussi une demande très forte sur la question de la fraternité et de la considération.

C’est la grande question de la justice sociale qui se pose à nous. Comme entrepreneur et dirigeant chrétien cette question ne peut que nous habiter. Que pouvons-nous faire, chacun là où nous sommes, pour lutter contre l’injustice sociale ? Comment devenir, nous aussi, des artisans de la justice sociale ?

2/- Quelques repères spirituels

  • Sur la justice : Michée 6, 8
  • Faire tomber les chaînes injustes : Isaïe 58, 6
  • Les enfants de Dieu et les enfants du diable : 1e lettre de saint Jean 3,10- 11 et 16-19

3/- Ce que nous apporte la pensée sociale chrétienne …

3-1/ Constat :

Comment justifier que les 10% les plus riches du monde possèdent 86% des richesses de la planète ? Ces chiffres sont choquants. Nous sentons qu’il y a là quelque chose de profondément injuste.

Mais il est difficile de se mettre d’accord. Le riche dira que sa fortune est juste, qu’il l’a méritée, qu’elle bénéficie à la société… D’autres jugeront inacceptables de trop grands écarts de richesse et de pouvoir. Comment construire une société considérée comme juste par tous ?

3-2/ Une exigence éthique fondamentale :

Dans son encyclique Laudato si, le pape François nous explique que « Dans les conditions actuelles de la société mondiale, où il y a tant d’inégalités… le principe du bien commun devient immédiatement comme conséquence logique et inéluctable, un appel à la solidarité et à une option préférentielle pour les plus pauvres. Cette option… exige de considérer avant tout l’immense dignité du pauvre à la lumière des convictions de foi les plus profondes.

Il suffit de regarder la réalité pour comprendre que cette option est aujourd’hui une exigence éthique fondamentale pour la réalisation effective du bien commun. » §158

 3-3/ Les acteurs de la justice sociale  

Le rôle du politique : l’Etat est évidemment un acteur important de la justice sociale dont il est le garant. Son rôle est de mettre en place des lois sociales en vue du bien commun. « L’ordre juste de la société et de l’État est le devoir essentiel du politique (…). La justice est le but et donc aussi la mesure intrinsèque de toute politique. Le politique est plus qu’une simple technique pour la définition des ordonnancements publics : son origine et sa finalité se trouvent précisément dans la justice, et cela est de nature éthique. » (Deus caritas §28)

Le rôle de chacun : Mais la justice sociale exige de la part de tous et non pas seulement de l’Etat des devoirs relatifs à la nature sociale de l’homme : « Une chose demeure acquise : l’action de l’État en matière économique… ne peut supprimer la liberté d’action des individus ; elle doit au contraire la favoriser pourvu que soient sauvegardés les droits essentiels de chaque personne humaine. » (Mater et Magistra § 5)

Comme dirigeants, nous avons donc notre part à accomplir.

En 1891, le pape Léon XIII avait mis en garde les dirigeants qui « estimeraient pouvoir s’en tenir aux termes du contrat de travail passés avec les ouvriers dès lors qu’ils en auraient corrigé la rigueur par le soutien à des œuvres caritatives. La justice légale – ce qui est prévu par le contrat – pouvant s’avérer profondément injuste, le travailleur ne doit pas obtenir par charité ce qui lui revient par la justice ! En d’autres termes, la charité n’est pas authentique si elle ne respecte pas les droits de la justice. La réciproque est également vraie : il n’y a pas d’authentique justice en l’absence de charité ». (Dominique Greiner, https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/quelques-themes/94-justice-sociale).

« La cité de l’homme n’est pas uniquement constituée par des rapports de droits et de devoirs, mais plus encore, et d’abord, par des relations de gratuité, de miséricorde et de communion. La charité manifeste toujours l’amour de Dieu, y compris dans les relations humaines. Elle donne une valeur théologale et salvifique à tout engagement pour la justice dans le monde. » Benoît XVI

4/- Un grand témoin

Frédéric Ozanam (1813-1853) : Ce professeur à la Sorbonne, témoin des conséquences sociales de la révolution industrielle, ne cessera sa vie durant d’attirer l’attention de ses concitoyens et de son Église sur la misère ouvrière et les injustices du capitalisme naissant. Souvent seul contre tous a été l’apôtre de la charité dans une société éclatée et largement anticléricale. Ozanam voit la justice sociale comme la résultante à la fois de conversions privées à l’esprit de partage et de service et d’une régulation publique. En cela, il préfigure la doctrine sociale de l’Église. Pour lui : « La charité c’est le Samaritain qui verse l’huile dans les plaies du voyageur attaqué. C’est à la justice de prévenir les attaques. » Ou encore : « Que la charité fasse ce que la justice seule ne saurait faire. » L’un ne va pas sans l’autre et même si la justice permet d’éviter de nombreux drames, il doit toujours y avoir la charité car selon lui la justice est « comme l’épée qui en est le symbole, elle frappe, elle retranche, elle divise » alors que « la charité, au contraire, tient compte des faiblesses ; elle cicatrise, elle réconcilie, elle unit. »

5/- Un exemple de réalisation : préserver l’activité au niveau local

Frédéric Gautier a quitté une multinationale dans l’agroalimentaire pour rejoindre la filature textile de son beau-père pour essayer de la redresser dans un contexte économique difficile. Malgré ses efforts, il n’a pas réussi à sauver les 200 emplois de cette institution locale où des familles entières travaillaient depuis plusieurs générations » et la société a finalement été placée en liquidation en 2003.

Avec un associé, Frédéric Gautier ne se résout pas à laisser ce site à l’abandon et les personnes au chômage.

Il crée alors un magasin de vente de linge de maison et réembauche une dizaine de ses anciens salariés puis développe son activité en vendant de la literie, de l’électroménager, du bricolage et récemment des matériaux de construction, offrant ainsi six nouveaux emplois à des jeunes. »

Des bâtiments inoccupés ont aussi été mis à disposition d’une association de la commune qui initie les jeunes aux métiers de l’artisanat.

6/- Discussion et questionnement pour les entrepreneurs et dirigeants chrétiens

  • Moi, chef d’entreprise ou dirigeant, comment suis-je acteur de la justice sociale ?
  • Au-delà de mes responsabilités de chefs d’entreprise, ai-je pris de responsabilités au service du bien commun (syndicat patronal ou professionnel, responsabilité politique, etc) ?
  • Si l’on considère que le travail est la première condition de la dignité de chaque personne, comment je donne à chacun une chance au travail ?
  • Comment j’éduque, je forme et propose une voie de progression et de développement à chacun dans l’entreprise ?